Chronique ONU

MIGRANTS ET RÉFUGIÉS
POURQUOI FAIRE UNE DISTINCTION ?

Par José Riera

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L'article

Les réfugiés sont " des migrants " au sens large du terme, pourtant ils continuent d'être une catégorie à part. Comme il est énoncé dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ils se trouvent hors du pays dont ils ont la nationalité et ne peuvent ou ne veulent pas y retourner, craignant avec raison d'être persécutés du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou à leurs opinions politiques. Au cours des années, le concept de réfugié s'est élargi pour inclure d'autres personnes qui ont fui des événements qui posaient une menace sérieuse à leur vie et à leur liberté. Ce qui différencie les réfugiés des autres migrants est qu'ils ont droit à une protection internationale et ont le droit de demander et de recevoir l'asile dans un autre État.

Un patrouilleur des gardes-côtes italiens intercepte au large des côtes de Lampedusa, en Italie, une embarcation bondée en provenance de l'Afrique. PHOTO HCR/L. BOLDRINI

Dans un grand nombre de pays, les mouvements de réfugiés et de migrants se recoupent de diverses manières. Les personnes qui quittent leur pays pour se rendre dans un autre, même quand elles remplissent les critères de réfugiés, sont de plus en plus nombreuses à rejoindre des mouvements de migrants illégaux ou sans papiers, empruntant les mêmes routes, employant les services des mêmes trafiquants et se procurant des faux documents de voyage auprès des mêmes fournisseurs. Si ces similarités n'influent pas sur la différence fondamentale entre réfugiés et non-réfugiés, elles ont contribué à rendre la distinction floue.

Les préoccupations relatives à la sécurité nationale après le 11 septembre 2001, les efforts des États à réduire le recours abusif aux procédures de demandes d'asile et le renforcement de la coopération entre les États pour réduire l'immigration illégale font qu'il est aujourd'hui plus difficile pour un réfugié d'obtenir l'asile et la protection. De nombreux États ont adopté des mesures destinées à prévenir et à dissuader les étrangers d'entrer sur leur territoire et de demander l'asile. L'interdiction de naviguer en haute mer est une pratique de plus en plus courante. Il est également très inquiétant que les mesures restrictives introduites pour réduire la migration illégale et lutter contre le trafic et la traite des êtres humains soient appliquées sans discernement et empêchent les réfugiés d'avoir accès aux procédures d'asile d'un autre État et d'entrer sur le territoire.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Selon des statistiques récentes concernant le droit d'asile publiées en septembre 2006 par le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), la tendance à la baisse se poursuit inexorablement dans la plupart des 36 pays industrialisés examinés. En 2005, le nombre de demandeurs d'asile était le plus bas depuis 1987. Pendant les premiers mois de 2006, les demandes ont encore baissé de 14 % par rapport à la même période l'année dernière. Alors que ce déclin constant peut être partiellement attribué à l'amélioration des conditions dans certains pays d'origine, il est aussi probablement dû à l'introduction de politiques restrictives, notamment en Europe.

Le Dialogue de haut niveau sur la migration internationale et le développement, organisé par l'Assemblée générale de l'ONU en septembre 2006, a sans aucun doute placé la migration internationale au premier plan de l'agenda mondial. Les participants ont largement convenu qu'elle pouvait être une force positive pour le développement à la fois des pays d'origine et de destination, à condition d'être soutenue par des mesures adéquates. Ils ont aussi reconnu qu'il était essentiel de traiter les causes fondamentales de la migration internationale afin d'assurer que les personnes migrent de leur propre choix et non par nécessité; cela s'applique aussi aux mouvements de réfugiés. De nombreux participants se sont engagés à collaborer étroitement afin de mettre fin à la migration illégale.

Des boat-people à leur arrivée après que leur embarcation a été interceptée par des gardes-côtes italiens. PHOTO HCR/L. BOLDRINI

La présence de réfugiés dans le groupe plus important de migrants, dont certains peuvent aussi recourir à une demande l'asile pour entrer dans un pays étranger, confronte la communauté internationale et le HCR à des défis importants. Un des premiers objectifs est d'assurer une réponse efficace et cohérente aux mouvements migratoires " mixtes ", notamment la protection des réfugiés et des demandeurs d'asile. Le nombre de bateaux qui partent de l'Afrique subsaharienne et traversent la Méditerranée est un bon exemple. Alors que le modèle de migration que l'on voit en Méditerranée aujourd'hui n'est pas en soi une situation de " réfugiés ", un nombre de personnes qui cherchent l'asile et la protection en fait cependant partie. En plus de sauver des vies, il faut mettre en place des procédures pour identifier ceux qui ont des motifs valables d'asile. Il est également important de veiller à ce que les mesures prises pour réduire la migration maritime illégale n'empêchent pas les réfugiés d'avoir accès à la protection à laquelle ils ont droit. Il faut aussi établir clairement les rôles et les responsabilités des différents acteurs impliqués - tels que les pays d'origine et de transit, les organisations internationales et les compagnies de navigation - lorsque les personnes sont interceptées ou rescapées en mer. Il convient aussi de s'assurer que les personnes qui ont voyagé ou qui comptent voyager trouvent une solution définitive à leur situation, qu'elles aient le statut de refugié ou non.

Les États ont, bien entendu, le droit légitime de contrôler et de renforcer leurs frontières, mais ce droit n'est pas sans contraintes. L'interception en mer et les mesures pour réduire la migration illégale ne devraient pas entraîner la violation du principe de non-refoulement, qui est la pierre angulaire du droit international des réfugiés et empêchent de renvoyer les personnes dans des pays où leur vie et leur liberté sont menacées. Il est donc important que les ministres de la Justice et de l'Intérieur de l'Union européenne se soient mis d'accord en octobre 2006 pour que les mesures destinées à renforcer les frontières maritimes extérieures au sud de l'Union et à lutter contre la migration en haute mer soient appliquées " sans préjudice des principes énoncés dans les instruments juridiques internationaux relatifs au droit de la mer et à la protection des réfugiés ".

D'autre part, après un certain nombre d'années, les réfugiés peuvent également devenir " des migrants ". Un grand nombre d'entre eux ont réussi à s'établir et à devenir des membres productifs de leur pays d'accueil. Ils peuvent choisir de rester dans ce pays, même s'ils ne font plus l'objet de persécutions dans leur pays natal ou peuvent décider de travailler dans un autre pays. Dans de tels cas, il est important de veiller à ce que tous les réfugiés puissent bénéficier des droits de l'homme et des normes de travail auxquelles ils ont droit en tant que migrants. La distinction floue entre réfugié et migrant peut même être bénéfique, à condition que les réfugiés ne pouvant pas retourner dans leur pays d'origine continuent de recevoir la protection à laquelle ils ont droit en vertu du droit international.

Biographie
José Riera est conseiller politique au Service d'évaluation et de développement des politiques au HCR. Il est entré au HCR en 1985 et a depuis occupé de nombreux postes dans des bureaux hors sièges et aux sièges.
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