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CS/8530

CRAIGNANT QUE LES ÉLECTIONS EN HAITI SOIENT RETARDÉES, LE CONSEIL COMPTE SUR LES EFFORTS PERMETTANT AUX AUTORITÉS ÉLUES D’ENTRER EN FONCTIONS LE 7 FÉVRIER 2006

18/10/05
Conseil de SécuritéCS/8530
Department of Public Information • News and Media Division • New York

CRAIGNANT QUE LES ÉLECTIONS EN HAÏTI SOIENT RETARDÉES, LE CONSEIL COMPTE SUR LES EFFORTS PERMETTANT AUX AUTORITÉS ÉLUES D’ENTRER EN FONCTIONS LE 7 FÉVRIER 2006


Le Premier Ministre haïtien garantit que le transfert de souveraineté aura bien lieu à la date prévue


Après avoir entendu le Premier Ministre d’Haïti, Gérard Latortue, le Conseil de sécurité a rendu publique, cet après-midi, une déclaration présidentielle qui touche, outre à la question des élections, à celles de la réforme de la Police nationale et du système judiciaire, du désarmement et du développement.  Dans son intervention, le Premier Ministre haïtien a indiqué que malgré les retards accumulés ces derniers mois dans la préparation des élections en Haïti, le transfert de souveraineté aura bien lieu le 7 février prochain, comme le prévoit la Constitution.  Il a fait le point de l’évolution de la situation dans son pays au niveau politique, en matière de sécurité et de droits de l’homme. 


Pour l’examen de cette question, le Conseil était saisi du rapport pertinent du Secrétaire général.


LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI


Rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (S/2005/631)


Dans ce rapport, le Secrétaire général rend compte des principaux faits nouveaux intervenus en Haïti depuis le 13 mai 2005 jusqu’au 29 septembre.  Haïti se trouve actuellement à un tournant décisif, constate le Secrétaire général, qui remarque que le processus électoral en cours bénéficie d’une crédibilité plus importante à la suite de l’inscription d’un grand nombre d’électeurs et la participation de candidats représentant de vastes secteurs de l’opinion publique.  Il indique néanmoins que les futures élections -dont le calendrier devrait encore être revu- ne seront crédibles que si les candidats et leur électorat ont le sentiment que le processus est transparent et que tous ont des chances égales.  À cet égard, il est essentiel que le Gouvernement de transition réponde sans plus tarder aux préoccupations qui subsistent au sujet de la loi électorale et prenne des mesures propres à faciliter la tenue d’élections ouvertes à la participation de tous, estime-t-il, expliquant que le versement de fonds publics aux partis politiques contribuerait à réduire le risque que ceux-ci ne recourent à des sources de financement d’origine douteuse.


Afin de surmonter les principales difficultés auxquelles se heurte le processus électoral et d’assurer le succès des élections, le Secrétaire général estime qu’il faut renforcer à titre prioritaire la capacité institutionnelle du Conseil électoral provisoire, et augmenter à court terme les ressources de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).  Saluant l’assistance financière importante que les donateurs bilatéraux se sont engagés à fournir pour l’organisation des élections, il signale cependant qu’il est désormais urgent que les contributions annoncées soient intégralement versées et que les ressources nécessaires soient fournies pour couvrir entièrement le coût du processus électoral.


Kofi Annan remarque qu’au cours de la période considérée, le Gouvernement de transition et la MINUSTAH ont été confrontés à de graves difficultés sur le plan politique et dans le domaine de la sécurité.  Il faut redoubler d’efforts pour continuer à faire pression sur les groupes armés illégaux, estime-t-il, suggérant que les opérations de sécurité soient accompagnées d’une assistance humanitaire et d’une aide au développement.  Il signale par ailleurs qu’une assistance bilatérale des donateurs sera nécessaire pour pouvoir faire sérieusement face aux menaces que représente le trafic de drogues et d’armes.  Le Secrétaire général estime également qu’une réforme de la Police nationale haïtienne est essentielle pour maintenir efficacement la stabilité interne et étendre l’autorité de l’État, indiquant que cette réforme doit être entreprise parallèlement à l’amélioration du fonctionnement des systèmes judiciaire et pénal.  Les autorités haïtiennes doivent aussi collaborer étroitement avec la MINUSTAH et l’ensemble de la communauté internationale pour renforcer la protection des droits de l’homme, mettre un terme à l’impunité et traiter des cas de détention illégale, arbitraire et prolongée, poursuit-il.  Remarquant par ailleurs que des espoirs irréalistes pourraient conduire à l’instabilité, notamment pendant la période suivant les élections, il appelle les donateurs à contribuer à la mise en place, sur le terrain, de projets à forte intensité de main-d’œuvre, qui pourront permettre de rétablir la confiance du public dans le processus de consolidation de la paix.


Le Secrétaire général estime enfin que c’est essentiellement aux dirigeants et au peuple haïtiens qu’il incombe d’assurer le relèvement du pays, mais signale néanmoins qu’il est nécessaire de fournir une assistance internationale solide et soutenue dans le cadre de la MINUSTAH de même qu’une assistance bilatérale complémentaire et étroitement coordonnée pour que Haïti parvienne à une stabilité et un développement véritables.


Déclaration


M. GÉRARD LATORTUE, Premier Ministre d’Haïti, a fait part de l’évolution de la situation politique et en matière de sécurité dans son pays.  Il a également insisté sur l’organisation des prochaines élections.  Concernant les aspects politiques, il a tenu à réaffirmer l’engagement pris par le Gouvernement de transition d’assurer un transfert de pouvoir le 7 février 2006, comme cela avait été initialement prévu.  Il a signalé que la situation politique en Haïti avait évolué dans le bon sens depuis sa dernière allocution devant le Conseil de sécurité, faisant observer que même s’il existe actuellement plus de 40 partis politiques et plus de 30 candidats à la présidence, l’ensemble de ces partis communiquent entre eux et sont arrivés à un pacte de gouvernabilité qui garantira le respect des droits de l’opposition.  Avant cela, il faut bien évidemment que les élections aient lieu, a signalé M. Latortue, expliquant qu’un certain retard avait été accumulé dans la préparation des élections.  Ce retard résulte principalement d’une mauvaise compréhension des responsabilités du Conseil électoral provisoire, qui était censé définir les grandes orientations du processus électoral et non en assurer l’exécution au jour le jour, comme il l’a fait.  Ce problème a été récemment résolu par la nomination d’un directeur général du Conseil électoral, qui se chargera d’accélérer les préparatifs des élections, a-t-il signalé, affirmant qu’un nouveau calendrier électoral garantissant le transfert de souveraineté pour le 7 février 2006 sera bientôt présenté.


S’agissant de la sécurité en Haïti, le Premier Ministre a estimé que grâce aux mesures prises par le Conseil de sécurité en juin dernier, au renforcement de la MINUSTAH et à la coopération entre la MINUSTAH et la Police nationale haïtienne, la situation s’était nettement améliorée depuis sa précédente intervention au Conseil.  M. Latortue a néanmoins fait remarquer que la question du désarmement restait un problème.   Les expériences de certains pays en matière de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR), a-t-il estimé, n’étaient pas toujours applicables dans un autre pays.  Si la Police nationale haïtienne et la MINUSTAH ont réalisé des progrès notables en matière de désarmement, a-t-il expliqué, elles ont néanmoins observé que certains gangs travaillaient en complicité avec des agents de police corrompus.  Il a indiqué que le nouveau directeur général de la Police nationale avait eu le courage de mettre de l’ordre dans ses services, ce qui a conduit à l’arrestation de 15 agents samedi dernier.  Le processus « d’épuration » de la Police nationale continue, a-t-il ajouté.


Le Premier Ministre a poursuivi sur la question des droits de l’homme qui est, a-t-il dit, un sujet délicat.  La présence de bandes armées en face d’une police peu équipée a montré que la frontière entre la défense des droits de l’homme et la lutte contre l’impunité est difficile à délimiter.  Il a fustigé les articles de presse qui accusent la Police nationale et même la Mission de l’ONU de violer les droits de l’homme.  Les violations ne sont aucunement délibérées, a-t-il souligné en ajoutant que la Mission de l’ONU essaie de protéger la population nationale, avec l’aide de la Police nationale.  Il peut y avoir des dérapages et des bavures mais si les preuves existent, la Police nationale et le Ministère de la justice se feront fort de poursuivre les responsables, comme l’a montré l’arrestation récente de 15 policiers, a-t-il souligné.  Il s’est ensuite attardé sur la question de la justice dans son pays.  Haïti, a-t-il rappelé, a un système judiciaire qui a été corrompu pendant des décennies.  Il est difficile de réparer tous les torts du passé mais la communauté internationale doit faire de ce domaine une priorité dans son programme de coopération.  Il s’agit de former des juges et de créer des conditions favorables au travail des magistrats.


La volonté politique est là, mais les moyens ne sont pas toujours disponibles et il faut changer les mentalités, a précisé le Premier Ministre en remerciant la France et le Canada pour leur intention d’apporter une aide.  Le système judiciaire haïtien ayant hérité du Code Napoléon, le Premier Ministre a annoncé que la question de la justice sera au centre des discussions qu’il aura avec les autorités françaises, jeudi prochain.  Sans justice, le développement et l’état de droit resteront hors de portée, a-t-il averti avant d’en venir à la situation humanitaire qu’il a qualifiée de précaire malgré la bonne gouvernance appliquée par le Gouvernement, comme en témoigne la présentation récente d’un "budget équilibré et sans déficit".  Le Premier Ministre a salué l’appui de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) qui est la preuve la plus éloquente que la bonne gouvernance commence à porter enfin ses fruits.  Dans l’ensemble, a-t-il ajouté, le Cadre de coopération intérimaire (CCI) a apporté une contribution importante au renforcement de la stabilité et à la création d’emplois.  Il a attiré l’attention sur le retard dans le déblocage des fonds internationaux, en particulier depuis le dernier élargissement de l’Union européenne.  La bureaucratie internationale est celle qu’elle est, mais Haïti a été un pays menacé par la guerre civile qui mérite une accélération des procédures, a dit le Premier Ministre en saluant les efforts de la Banque américaine de développement, qui vient d’approuver un certain nombre de projets sans néanmoins avoir débloqué les fonds.  Le Premier Ministre a conclu en remerciant le Conseil de sécurité pour le renouvellement du mandat de la Mission de l’ONU, jusqu’au 15 février prochain, soit, a-t-il rappelé, huit jours après l’investiture du nouveau gouvernement.  Ce dernier aura besoin pour longtemps peut-être de la présence de la Mission, a-t-il signalé en demandant à l’ONU d’envisager dès à présent la budgétisation de la Mission pour l’exercice à venir.


Déclaration présidentielle


Le Conseil de sécurité exprime son soutien sans réserve aux activités de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) et à celles du Représentant spécial du Secrétaire général, M. Juan Gabriel Valdés.


Le Conseil souligne qu’il importe au plus haut point de faire en sorte qu’Haïti s’offre des élections transparentes, sans exclusive, libres et équitables, conformes aux normes démocratiques internationales et ouvertes à tous les candidats politiques qui ont renoncé à la violence, pour se donner ainsi des dirigeants légitimes aux niveaux national et local.  Il s’inquiète de ce que les échéances électorales risquent d’être retardées et rappelle que la communauté internationale compte que le premier tour des élections nationales aura lieu en 2005 et qu’aucun effort ne sera épargné pour que les autorités démocratiquement élues entrent en fonctions le 7 février 2006 conformément à la Constitution haïtienne.  Il note avec satisfaction que 3 millions de personnes sont déjà inscrites sur les listes électorales.  Il remercie l’Organisation des États américains (OEA) et les autres parties prenantes internationales concernées d’avoir concouru à l’opération.  Il constate avec satisfaction que des sensibilités politiques haïtiennes fort diverses sont représentées dans le processus électoral et souligne l’importance de la collaboration entre dirigeants politiques.  Il faudrait continuer à promouvoir la réconciliation nationale et le dialogue politique en tant que moyens d’assurer la stabilité à long terme et la bonne gouvernance.


Le Conseil note avec préoccupation que la préparation des élections se heurte encore à des obstacles majeurs.  Tout en félicitant le Gouvernement de transition et le Conseil électoral provisoire (CEP) des mesures qu’ils ont prises récemment, il les prie instamment de s’acquitter d’urgence des dix tâches requises pour que les élections puissent se tenir cette année, tâches convenues et approuvées par le Gouvernement de transition et rappelées par le « Groupe restreint » le 18 octobre 2005.  Il demande aux autorités haïtiennes compétentes d’agir efficacement et sans plus tarder dans des domaines clefs et les exhorte à tirer pleinement parti des conseils et de l’assistance offerts par la MINUSTAH pour ce qui est de l’organisation des élections.  Il leur demande de collaborer avec la MINUSTAH à la mise au point, à titre provisoire, d’un plan électoral échelonné en vue d’arrêter un calendrier électoral pratique.  Il demande également instamment aux autorités haïtiennes de publier rapidement la liste définitive des candidats aux élections et de convenir, en consultation avec la MINUSTAH, d’une liste de bureaux de vote qui garantisse l’accès des électeurs aux urnes et tienne compte des incidences budgétaires, en matière de sécurité et logistiques.


Le Conseil appuie fermement les efforts déployés par la Mission pour garantir un environnement sûr et stable à Haïti, ce qui est vital pour que le pays puisse progresser et que les élections aient lieu.  Il lui rend hommage pour le rôle qu’elle joue dans le rétablissement et le maintien de l’état de droit dans le pays et souligne qu’une assistance importante et coordonnée est indispensable pour permettre la réforme et la restructuration des institutions haïtiennes responsables du maintien de l’ordre.  À cette fin, il demande instamment au Gouvernement de transition de donner suite, en collaboration avec la MINUSTAH, aux initiatives prévues dans la résolution 1608 (2005) concernant le plan de réforme et de restructuration de la Police nationale haïtienne ainsi que la réforme du système judiciaire, de façon à mettre fin à l’impunité et à faire prévaloir la légalité.  Le Conseil se félicite de voir que sur le plan de la sécurité la situation s’est améliorée grâce à l’appui résolu de la MINUSTAH à l’action du Gouvernement de transition.  Il se déclare préoccupé par les informations selon lesquelles certains policiers auraient participé à des crimes graves et à de graves violations des droits de l’homme, et souligne qu’il est nécessaire que toutes les allégations de crime grave et de violation grave des droits de l’homme fassent l’objet d’une enquête approfondie.  Il accueille avec satisfaction le déploiement par la MINUSTAH de personnels militaires et de police supplémentaires, conformément aux dispositions de la résolution 1608 (2005) et exprime sa gratitude aux pays qui ont contribué des troupes et des policiers.


Le Conseil répète qu’il est indispensable que le Gouvernement de transition et la MINUSTAH entreprennent immédiatement de mettre effectivement en œuvre un programme de désarmement, démobilisation et réinsertion.  Il souligne la nécessité d’exécuter des projets à impact rapide et grande visibilité qui créent des emplois.  Il reconnaît aussi la nécessité de sauvegarder la stabilité dans la période qui suivra immédiatement les élections, notamment grâce au maintien d’une présence internationale, et de faire en sorte que les institutions haïtiennes clefs, en particulier celles qui sont responsables de l’état de droit et du développement, puissent fonctionner convenablement.  Il reconnaît l’importance de la Conférence des donateurs qui se tiendra à Bruxelles les 20 et 21 octobre et lance un appel aux donateurs pour qu’ils continuent à verser les contributions annoncées.  Il reconnaît en outre qu’une telle conférence représente une occasion importante de développer plus avant des stratégies à court, moyen et long termes dans un cadre unifié, de façon à garantir que les problèmes de Haïti soient envisagés de façon coordonnée et dans la continuité selon une démarche cohérente et une bonne hiérarchisation des priorités.  Bien que la responsabilité de l’avenir d’Haïti incombe, en dernière analyse, à son gouvernement et à son peuple, la communauté internationale doit continuer d’apporter son concours.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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