La haine continue de se développer à une vitesse alarmante et le monde doit faire plus pour lutter contre l'antisémitisme croissant, a déclaré lundi le Secrétaire général de l'ONU, en rendant hommage aux victimes de l'Holocauste et à ceux qui ont survécu aux camps de la mort nazis.
Chaque année, le jour de la libération du camp d'Auschwitz le 27 janvier 1945, le monde s'unit pour honorer la mémoire des six millions de Juifs qui ont péri aux mains des nazis et de leurs collaborateurs, une commémoration qui s'étend également aux communautés rom et sinti, aux personnes handicapées, aux personnes LGBTIQ+ et à toutes les autres personnes qui ont souffert de la violence systémique, de la torture et du génocide perpétrés par le régime nazi.
Les leçons ne doivent jamais être oubliées
Dans le hall de l'Assemblée générale, en présence du Président israélien Isaac Herzog, le Secrétaire général a souligné le besoin de mémoire et insisté sur le fait que les leçons de l'Holocauste ne doivent jamais être oubliées.
La commémoration de cette année marque une étape importante : 80 ans depuis la fin de l'Holocauste et 80 ans d'efforts pour préserver la mémoire de ses victimes.
M. Guterres a souligné le courage des survivants qui ont partagé leur histoire et veillé à ce que les horreurs d'Auschwitz-Birkenau et d'autres camps de concentration ne soient jamais effacées de l'histoire. Il a ajouté que la responsabilité de veiller à ce que cette histoire ne soit jamais oubliée « incombe à chacun d'entre nous ».
« Le souvenir n'est pas seulement un acte moral - le souvenir est un appel à l'action », a déclaré le chef de l’ONU.
Combattre la haine
Dans le cadre des efforts déployés par les Nations Unies pour lutter contre les discours de haine, la commémoration a souligné l'importance d'éduquer les générations futures sur les atrocités commises pendant l'Holocauste.
Reprenant les mots du célèbre écrivain et survivant d'Auschwitz, Primo Levi, qui a exhorté l'humanité à « graver la connaissance dans nos cœurs », M. Guterres a appelé chacun à « s'élever contre la haine », à défendre les droits de l'homme de tous, et à « faire de ces droits une réalité ».
Défendre les droits de l'homme
Au lendemain de l'enfer de l'Holocauste, « les pays se sont rassemblés et ont « créé les Nations Unies et notre Charte il y a 80 ans - affirmant la valeur de chaque personne humaine... », a souligné M. Guterres.
Ils ont également adopté la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et établi la Déclaration universelle des droits de l'homme, fondement de toute la législation internationale en matière de droits de l'homme « inspirée par l'opposition aux doctrines barbares du nazisme et du fascisme », a rappelé le chef de l’ONU.
« Il s'agit d'une expression pure de notre humanité commune. Et en ces temps sombres, cela reste une lumière brillante », a salué le Secrétaire général.
L’antisémitisme est toujours présent
« Aujourd'hui, notre monde est fracturé et dangereux », a de nouveau averti M. Guterres. « 80 ans après la fin de l'Holocauste, l'antisémitisme est toujours présent, alimenté par les mêmes mensonges et la même haine qui ont rendu possible le génocide nazi. Et il est en train de monter ».
Les efforts visant à lutter contre la vague croissante de négationnisme, de discrimination et de haine sont également au cœur des préoccupations des Nations Unies, qui ont récemment lancé un plan d'action contre l'antisémitisme afin de renforcer leurs efforts en matière d'éducation, de promotion de la vérité et de lutte contre les tentatives de déformation des faits historiques.
Appelant à une condamnation générale de l'antisémitisme « où et quand il apparaît », M. Guterres a déclaré que la promotion de l'éducation, la lutte contre les mensonges et l'expression de la vérité sont essentielles et qu'en ces jours de division, tous doivent « s'accrocher à notre humanité commune ».
« Nous n'oublierons jamais. Et nous ne faiblirons jamais dans ce combat », a conclu le chef de l'ONU, laissant le podium aux survivants présents pour partager leurs souvenirs.
Prière pour la paix
« Il est temps de reconnaître que la remise en cause de notre droit à l'existence n'est pas de la diplomatie, mais de l'antisémitisme pur et simple », a pour sa part affirmé le Président israélien Isaac Herzog prenant à son tour la parole.
Il a ajouté que 80 ans après l'Holocauste, il se tenait à l'Assemblée générale « avec une foi et un espoir profonds ».
« Notre nation s'est levée des flammes du crématorium non pas pour vivre éternellement par l'épée, mais pour construire, réparer, apporter de la lumière, guérir », a fait valoir M. Herzog.
Il a ajouté qu'il espérait que des accords de paix pourraient être conclus entre Israël et ses voisins dans toute la région « avec tous les peuples du Moyen-Orient, les Israéliens, les Palestiniens et tous les autres », vivant pacifiquement côte à côte.
« En ce jour historique, nous devons nous engager à nous donner la main pour vaincre les ténèbres et la haine et travailler ensemble à la construction d'un avenir commun. Tel est le vœu que nous devons partager. Nous tous. La famille des nations - que ce qui s'est produit une fois ne se reproduira plus jamais », a-t-il ajouté.
Survivant rom
Dumitru Miclescu, survivant rom de l'Holocauste, est venu de Budapest pour participer à la cérémonie qui s'est déroulée lundi dans la salle de l'Assemblée générale.
« Je suis ici non seulement pour moi, mais aussi pour tous les Roms qui ont souffert pendant l'Holocauste et qui n'ont pas eu la chance d'être entendus », a -t-il partagé, soutenu par sa nièce Izabela Tiberiade.
Survivant des camps de terreur de Transnistrie, il a été embarqué de force dans des trains et déporté alors qu'il n'était qu'un enfant de huit ans en Roumanie, en même temps que sa famille.
Construire un monde sans racisme
« Je n'oublierai jamais ces moments où nous avons été rassemblés dans les trains. De nombreuses personnes sont mortes dans les trains avant même que nous n'arrivions. Ceux qui ont atteint les camps de concentration ont souffert encore plus : travail forcé, famine, maladie et terreur constante. La mort était une présence quotidienne », a-t-il déclaré.
Reconnaissant le manque de soutien aux Roms qui ont survécu et sont rentrés chez eux, M. Miclescu a affirmé que sa présence à l'ONU constituait « un pas important vers la reconnaissance de l'histoire », mais qu'il restait encore beaucoup à faire.
« Permettez-moi de dire à tous les jeunes qui écoutent mon histoire : Je vous demande d'apprendre votre histoire. J'espère que vous construirez un monde sans racisme », a-t-il conclu.
Ne jamais oublier
Marianne Muller, qui n'était qu'un bébé pendant l'Holocauste, est également montée sur le podium pour partager l'histoire de sa famille.
Accompagnée de ses quatre enfants et petits-enfants, elle a déclaré : « Ils sont ma réponse personnelle à Hitler ».
Soulignant la montée de l'antisémitisme dans le monde entier, Mme Muller a appelé le monde à se souvenir que l'Holocauste et ses horreurs « ne se sont produits qu'il y a 80 ans ».
Ne soyez pas neutres face à la souffrance humaine
Lors d'une cérémonie à Genève, Ivan Lefkovits, survivant des camps de la mort nazis, a aussi partagé un témoignage poignant lundi, avec un message intemporel pour les générations actuelles et futures : « Ne soyez pas neutres, surtout pas à l'égard de la souffrance humaine ».
Rappelant le meurtre de son père et de son frère, tous deux victimes de la mission d'Hitler visant à éliminer les Juifs, M. Lefkovits, âgé de 88 ans, a fait remarquer que de nombreux pays européens souscrivaient aux vues du dirigeant nazi.
M. Lefkovits avait sept ans lorsqu'il a été envoyé au camp de concentration de Ravensbrück en novembre 1944. Il a passé les derniers mois de la guerre au camp de Bergen-Belsen, où il a failli mourir de faim et de soif.
Aujourd'hui, il exhorte les jeunes générations à étudier l'histoire « pas nécessairement pour apprendre, mais pour comprendre » pourquoi l'Holocauste s'est produit.