30 avril 2020 — La pandémie de COVID-19 ayant provoqué l’arrêt brutal de l’activité touristique, les Nations Unies déploient de grands efforts pour tenter d’amortir l’impact socioéconomique de cette crise sur les petits États insulaires en développement (PEID), déjà confrontés à l’accumulation des défis liés au changement climatique.

Outre l’élévation du niveau de la mer et la salinisation des terres, les PEID doivent faire face à la multiplication d’événements météorologiques extrêmes tels que le cyclone Harold, qui a ravagé début avril les Iles Salomon, Vanuatu, les Fidji et les Tonga, dans l’océan Pacifique, faisant une trentaine de morts et des dégâts considérables. Et à ces calamités s’ajoute désormais l’épidémie de coronavirus.   

« Il est difficile d’imaginer une situation plus difficile : la catastrophe de la COVID-19 et le désastre d’un cyclone de catégorie 5 intervenant ensemble », a résumé Sheldon Yett, représentant pour le Pacifique du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). L’agence, a-t-il précisé, s’emploie à hiérarchiser les besoins des communautés frappées par ces deux urgences, à commencer par les enfants.

Elle s’inquiète tout particulièrement du sort des quelque 20 000 enfants sans domicile à Vanuatu, l’archipel le plus durement frappé par la tempête tropicale. Avec le soutien logistique du gouvernement australien et de la Commission européenne, l’UNICEF et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) aident les pays touchés à fournir une assistance aux sinistrés et à secourir les enfants les plus vulnérables.

Par la voix de son porte-parole, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a exprimé sa « profonde solidarité avec la population du Pacifique confrontée aux conséquences de ce cyclone et à d’autres défis liés au climat, ainsi qu’à la pandémie de coronavirus, qui ajoute une nouvelle dimension inquiétante aux vulnérabilités existantes ». 

Selon le décompte de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), des cas de COVID-19 sont confirmés dans un nombre croissant de PEID, notamment Cuba (1 467), Trinité-et-Tobago (116), les Bahamas et la Barbade (80) dans la région Amériques, les Maldives (256) en Asie du Sud-Est, Sao Tomé-et-Principe et les Seychelles (11) dans la région Afrique, et les Fidji (18) dans le Pacifique occidental.

Vanuatu, sinistré par Harold mais encore épargné par la COVID-19

Aucun cas de COVID-19 n’a encore été signalé au Vanuatu et les autorités locales et régionales veillent à la protection de l’archipel. Malgré le récent épisode cyclonique, les restrictions de circulation restent en vigueur. Elles ne pourront être allégées dans l’immédiat en raison du manque de tests, a indiqué le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).

De plus, les interdictions de vol imposées en réponse à la pandémie et la période d’isolement obligatoire de 14 jours pour les nouveaux arrivants ralentissent le transport et la distribution des fournitures humanitaires.  Les produits de secours sont, eux, mis en quarantaine pendant au moins 72 heures et désinfectés avant d'être distribués.

Les mesures de distanciation sociale ont néanmoins été assouplies afin de permettre aux habitants de se rendre dans des centres d'évacuation, tels que des écoles, des églises et même des grottes. Au total, plus de 80 000 personnes sont dans le besoin d’une aide d’urgence en matière d’abri, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui participe au dispositif de réponse en étroite collaboration avec le Bureau national de gestion des catastrophes de Vanuatu (NDMO).

Face à ce « double défi », qui exige de maintenir les précautions contre le coronavirus, « le soutien de l'OIM est destiné à rétablir des abris primaires dans les zones les plus touchées des îles de la Pentecôte et d'Ambrym », a précisé Pär Liljert, coordonnateur de l'agence onusienne pour le Pacifique. 

Sur place, l'OIM travaille en coordination avec le PNUD, l’OMS et l’UNICEF ainsi qu’avec des ONG et la Fédération internationale de la Croix-Rouge (FICR). Les Nations Unies dans le Pacifique ont demandé un financement initial au Fonds central de l’ONU pour les interventions d’urgence (CERF) afin d’agir au plus vite pour sauver des vies.

Selon les évaluations du gouvernement nouvellement installé, 90% des 17 300 maisons endommagées ou détruites se trouvent dans les provinces de Sanma et de Penama, dans le nord du pays. Les deux tiers des bâtiments de l'île de la Pentecôte, à Penama, ont subi des dommages. Les opérations de mise en sécurité des habitants sont compliquées par le fait que les stocks de matériaux pour abris ne suffisent à couvrir qu'un quart des besoins du pays.

Le tourisme, atout et vulnérabilité des PEID 

Le cas de Vanuatu démontre l’impact de la pandémie de COVID-19 sur un pays dont l’activité touristique représente la part essentielle du produit intérieur brut (PIB). Les restrictions sur les voyages, qui concernent à présent 100% des destinations dans le monde, selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), mettent à mal les économies de petits pays comme les PEID, souvent très endettés et peu diversifiés.

« Les petits États insulaires en développement sont les plus vulnérables non seulement parce qu'ils dépendent fortement du tourisme, mais aussi parce qu’un choc d'une telle ampleur est difficile à gérer pour les petites économies », confirme Pamela Coke-Hamilton, Directrice de la Division du commerce international et des produits de base de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

En moyenne, le secteur du tourisme représente 30% du PIB de ces pays. Cette part dépasse les 50% pour des PEID comme les Maldives, les Seychelles, Saint-Kitts-et-Nevis et la Grenade, indique le Conseil mondial du tourisme et des voyages (WTTC). Alors que cette activité génère environ 30 milliards de dollars par an dans ces pays, une baisse de 25% des recettes touristiques entraînerait un recul de 7,3% du PIB, voire au-delà de 15% pour les PEID les plus dépendants.    

 

« Il est difficile d’imaginer une situation plus difficile : la catastrophe de la COVID-19 et le désastre d’un cyclone de catégorie 5 intervenant ensemble ». - Sheldon Yett (UNICEF-Pacifique)

 

Pour de nombreux PEID, la crise actuelle va provoquer des pertes record de recettes sans que d’autres sources de devises leur permettent de rembourser leur dette extérieure et de payer les importations. Dans ces conditions, ces pays auraient besoin d’environ 5,5 milliards de dollars pour contrer les effets négatifs de la pandémie sur leur économie, estime Mme Coke-Hamilton. 

Les Maldives auraient, à elles seules, besoin de 1,2 milliard de dollars en raison de leur forte dépendance vis-à-vis des revenus touristiques, suivis des Bahamas et de la Jamaïque.

Un allègement de la dette pour survivre

Si les PIED, dans leur majorité, ne figurent pas parmi les pays les plus pauvres, ils sont particulièrement vulnérables. Cette situation est encore aggravée par le niveau élevé de dette extérieure que connaissent nombre d’entre eux, notamment la Jamaïque et les Bahamas. Pour ces derniers, des programmes de suspension ou d’allègement de la dette sont nécessaires. 

Afin de répondre à la crise générée par la COVID-19, le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé à la mi-avril un allègement de la dette immédiat pour 25 pays en difficulté, dont cinq petits États insulaires en développement : les Comores, Sao Tomé-et-Principe, la Guinée-Bissau, Haïti et les Iles Salomon.

Kristalina Georgieva, Directrice générale du FMI, a expliqué que l’institution financière avait agi par le biais de son Fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes (ARC). L’objectif est de permettre aux pays concernés de consacrer une plus grande partie de leurs faibles ressources financières aux soins médicaux et aux efforts de secours d’urgence.

Dans une note de synthèse publiée le 17 avril, les Nations Unies détaillent leurs propositions de solidarité pour un allègement de la dette extérieure des pays à faible revenu mais aussi à revenu intermédiaire, particulièrement vulnérables en raison de leur perte d’accès aux marchés et des sorties de capitaux auxquelles ils font face.

Pour la CNUCED, il est essentiel que les PEID aient accès à des financements à taux zéro et puissent suspendre les paiements de leur dette jusqu’à ce qu’ils soient financièrement prêts. « Cela peut les aider à atténuer l’impact de chocs externes tels que la COVID-19 et leur donner les ressources financières nécessaires pour planifier les prochaines étapes de leur développement économique », a souligné Mme Coke-Hamilton.