7 mai 2020 — La pandémie du Covid-19 a certes inspiré des chanteuses comme Lady Gaga, mais aussi d’autres artistes contemporains, comme l’Espagnol Cristóbal Gabarrón, qui a profité de ces dernières semaines pour laisser libre cours à sa créativité.

Confiné à sa demeure de Valladolid depuis le début de la crise sanitaire, il dit y travailler « comme un fou ». « Quand je crée, je puise dans un monde très viscéral, au plus profond de mes tripes… Quand une idée me vient, je dois immédiatement la coucher sur papier avant qu’elle ne m’échappe », précise-t-il.

Artiste humaniste, Gabarrón est connu mondialement pour ses œuvres aux couleurs vives et aux formes saugrenues. L’artiste et sculpteur révèle qu’il travaille actuellement sur cinq nouvelles figures qui s’ajouteront à l’œuvre Univers de lumière, une sculpture qu’il a créée en 2015 à l’occasion du 70e anniversaire des Nations Unies.

L’œuvre, qui présente une ribambelle de 70 personnages colorés encerclant un immense globe argenté, rend hommage à la diversité sociale et aux valeurs liées aux droits de l’homme. Depuis son inauguration dans Central Park à New York en octobre 2015, en présence de l’ancien Secrétaire général Ban Ki-moon, l’œuvre a voyagé en Europe et a été exposée dans des espaces publics à Genève, Amsterdam et Bruxelles.

 

« Nous sommes dépendants de beaucoup de choses. Il est important de nous arrêter, de prendre le temps d’explorer le sens des valeurs humaines, de la solidarité et de toutes ces valeurs qui nous unissent et confèrent à notre monde un équilibre. »

 

A l’approche du 75e anniversaire de l’ONU, Gabarrón s’est laissé inspirer ces cinq dernières années par les développements intervenus dans des domaines tels que l’action climatique, les phénomènes migratoires et les droits de l’homme pour concevoir les cinq nouveaux éléments de son œuvre existante.

« Ces cinq pièces additionnelles sont plus ou moins une première analyse, très primitive, de choses qui m’ont marqué au cours des dernières années et qui ont alimenté ma réflexion sur la mission des Nations Unies », explique Gabarrón, qui se dit impatient de retrouver ses ateliers.

Ses œuvres grandioses, faites de fibre de verre, de granit, de métal ou d’autres matériaux, atteignent souvent plusieurs mètres de hauteur. Cela exige donc de l’espace pour travailler. « J’ai hâte de mettre la main à la pâte pour donner corps à mes idées … j’ai besoin de pouvoir me déplacer, d’aller à l’atelier pour préparer ces pièces afin qu’elles soient prêtes pour le 75ème anniversaire. »

Pendant le confinement, Gabarrón a beaucoup dessiné et conçu de petits modèles d’œuvres qu’il envisage. S’il a de l’empathie pour celles et ceux qui ont été forcés de vivre dans des espaces restreints pendant des semaines, Gabarrón, lui, y a trouvé son compte. « En tant qu’artiste, j’ai besoin de silence et d’isolement pour créer. Pour moi, ce confinement imposé n’a pas trop perturbé mon quotidien. »

Se redéfinir soi-même

S’il doit voir le côté positif de cette crise, Gabarrón estime qu’elle lui a procuré la chance de se redéfinir, aussi bien en tant que personne que du point de vue de son travail, par rapport à la société. Par la même occasion, le monde a dû s’interroger sur l’essence même de l’humanité, ajoute-t-il.

« Nous sommes dépendants de beaucoup de choses. Il est important de nous arrêter, de prendre le temps d’explorer le sens des valeurs humaines, de la solidarité et de toutes ces valeurs qui nous unissent et confèrent à notre monde un équilibre. Si le monde souffre de déséquilibres à tant de niveaux, c’est à cause de nous, du fait de nos rapports avec la nature, de nos contacts avec autrui, de nos conversations, de nos positions… je pense que nous avons négligé nos relations par rapport à la société. »

Grand observateur de la nature humaine, Gabarrón se dit impressionné par la solidarité dont ont fait preuve les gens durant cette crise et par l’énorme travail des professionnels de la santé.

« La société est plus forte lorsque ses membres pensent les uns aux autres. J’ai toujours défendu la santé publique parce qu’elle nous place tous sur un pied d’égalité : jeunes, vieux, riches, pauvres. Et quand les autorités s’assurent que ces services de santé sont accessibles à tous, voilà qui est plus juste, plus solidaire. »

L’Espagne compte parmi les pays les plus touchés par la pandémie, ayant enregistré jusqu’à présent plus de 25 000 morts et 217 000 cas confirmés du coronavirus. Le pays a dû vivre sous l’un des régimes de confinement parmi les plus stricts d’Europe. Pour autant, les Espagnols se sont révélés, selon l’artiste, des « citoyens exemplaires », respectueux des directives imposées pour lutter contre la propagation du virus.

 

« La société est plus forte lorsque ses membres pensent les uns aux autres. »

 

En Espagne comme dans d’autres pays, les autorités commencent à relâcher les règles du confinement. Et comme beaucoup d’autres, Gabarrón, qui compte une grande famille ainsi que de nombreux amis et connaissances, attend avec impatience le jour où il pourra de nouveau serrer les gens dans ses bras.

En attendant, l’artiste a célébré tranquillement son 75e anniversaire le 25 avril dernier, un anniversaire qu’il partage avec les Nations Unies, puisqu’il est né le jour où l’organisation internationale a elle-même vu le jour à San Francisco en 1945. Un hasard qui pourrait très bien expliquer la relation quasi symbiotique que l’artiste entretient avec l’ONU depuis des années, l’œuvre Univers de lumière n’étant que l’un des nombreux projets l’ayant jusqu’ici associé aux Nations Unies.

A quoi exactement ressembleront les cinq nouveaux éléments de l’œuvre Univers de lumière ? Motus et bouche cousue… il faudra attendre le 24 octobre prochain pour que soient dévoilées ces œuvres dans un lieu qui reste encore inconnu.