2011 marque le trentième anniversaire du premier rapport sur le VIH publié par les États-Unis qui décrivait des cas d'une maladie inhabituelle parmi les jeunes homosexuels. Trente ans plus tard, les pays touchés par l'épidémie et la rapidité de son évolution ont changé de manière significative. On estime que 33,3 millions de personnes sont infectées par le VIH dans le monde, dont 22,5 millions en Afrique subsaharienne. Sur les 2,5 millions d'enfants vivant avec le VIH, 2,3 millions se trouvent également en Afrique subsaharienne. L'Afrique australe, la région la plus touchée, comprend des pays à revenu intermédiaire (tranche supérieure et inférieure) connus comme des pays hyperendémiques. En Afrique australe seulement, on compte 5,7 millions de personnes vivant avec le VIH/sida. Au Swaziland, 42% des femmes qui fréquentent les centres de soins prénatals sont infectées, les taux étant similaires dans les autres pays de la région. Cela affecte les enfants de différentes façons : leurs parents ou les membres de leur famille sont malades et sans ressources à cause de l'épidémie, et ceux qui ont perdu leurs parents sont moins susceptibles d'être scolarisés ou de poursuivre leurs études.

Les études menées dans les régions d'Afrique australe et d'Asie du Sud-Est ont montré que le VIH/sida avait un impact négatif à la fois sur la demande et l'offre éducative1,2. Les enfants orphelins sont retirés de l'école ou n'y sont pas inscrits par manque d'argent et se voient contraints d'assumer les responsabilités d'une famille ou de pourvoir à ses besoins. À cet égard, les filles sont plus vulnérables. Au Kenya, des liens ont été établis entre la mort des parents et les progrès des enfants à l'école. En Tanzanie, on a constaté que le décès d'un adulte au sein du ménage impliquait le retard de la scolarisation des plus jeunes enfants, mais que le ménage s'efforçait de ne pas interrompre les études des aínés. Au Malawi, des études ont révélé qu'après le décès d'un parent, les enfants avaient tendance à se marier plus jeunes, à abandonner leurs études pour subvenir aux besoins de leur famille et à occuper des emplois dans le secteur informel. En Zambie, 7% des quelque deux millions de ménages que compte le pays auraient à leur tête des enfants1. La réduction des taux d'inscription à l'école primaire se répercute automatiquement sur les taux d'inscription dans l'enseignement secondaire et post-secondaire. Une étude menée en 1992 en Tanzanie par la Banque mondiale a montré que le VIH/sida diminuait le nombre d'enfants fréquentant l'école primaire et secondaire respectivement de 22% et de 14%1. Les taux élevés de mortalité infantile dus au VIH/sida y contribuent également. L'impact du VIH/sida sur les enseignants en termes de mortalité, de productivité et de coûts a des effets négatifs sur la qualité de l'éducation ainsi que sur l'accès à celle-ci. On estime qu'en 2015, près de 8 000 enseignants de la région du Mékong seront morts du sida et 6 000 seront séropositifs2. Au Malawi, le taux d'infection parmi les enseignants est de plus de 30%, le sida tuant plus de quatre enseignants chaque jour1.

Une étude récente sur le VIH/sida menée dans le secteur de l'enseignement supérieur en Afrique du Sud a montré que la prévalence moyenne du VIH chez les étudiants était de 3,4% et de 1,5 % chez les enseignants3. Les niveaux de prévalence sont très inférieurs à ceux observés dans la population en général. Les établissements d'enseignement supérieur étant un réservoir des futurs dirigeants et professionnels, il est essentiel qu'ils adoptent des stratégies pour diminuer la prévalence du VIH et éviter de nouvelles infections.

L'impact économique du VIH/sida présente des défis immenses. Alors que les liens de causalité entre pauvreté et VIH ne sont pas clairement démontrés, il est clair que le VIH fait basculer les ménages et les individus dans la pauvreté. Si de nombreuses maladies entraínent des dépenses catastrophiques qui peuvent acculer les ménages à la pauvreté, le VIH/sida est l'une des pires car ses victimes sont malades pendant une période prolongée et beaucoup sont le principal soutien de famille.

En Afrique australe, cependant, le VIH/sida est une maladie de la pauvreté. Dans cette région les pauvres sont plus susceptibles d'être infectés. Le sida a des répercussions importantes sur les individus et sur les ménages. Son impact sur la macroéconomie devient de plus en plus prononcé avec le temps, affectant les marchés du travail et, par conséquent, l'allocation des ressources par les gouvernements4. Dans une étude sur le VIH/sida réalisée dans des zones rurales de la Thaïlande, Michael P. Cameroun décrit un cycle vicieux pauvreté-VIH/sida où les personnes infectées qui sont vulnérables à la pauvreté sont plus susceptibles d'adopter des comportements à haut risque pour faire face à la pauvreté, ce qui favorise la propagation de l'infection à VIH. Dans une étude nationale sud-africaine, deux tiers des personnes interrogées ont signalé une baisse des revenus du ménage à cause du VIH, y compris la perte du soutien de famille. Comme partout ailleurs en Afrique subsaharienne, les ménages ont signalé une augmentation des dépenses de santé, diminuant donc les revenus qu'ils consacrent à d'autres dépenses essentielles. Des études ont montré que la gravité d'une maladie et les décès varient selon la situation économique initiale des ménages lorsqu'ils sont confrontés au VIH. Les décès parmi les jeunes adultes par mort naturelle (y compris ceux causés par le VIH/sida) ont un impact négatif sur les revenus de tous les ménages pendant une période de cinq ans, mais particulièrement sur les ménages dont les revenus étaient initialement modestes.

L'absence d'éducation perpétue le cycle entre VIH/sida et pauvreté, souvent dû aux décisions concernant la scolarisation, les grossesses, les finances et le chômage. Nombre d'études ont mesuré quelques-uns de ces résultats négatifs et suggèrent que les stratégies de survie des ménages ont des conséquences importantes sur les générations.

Même si le VIH/sida a un impact négatif sur l'éducation, c'est pourtant par son biais que les initiatives d'atténuation appropriées peuvent être mises en pratique. L'intégration de l'éducation concernant le VIH/sida et des programmes d'apprentissage à long terme dans les programmes scolaires peut être un moyen efficace de changer les comportements des enfants dès le plus jeune âge. En Afrique du Sud, environ 40% des établissements d'enseignement supérieur ont mis en place divers groupes de recherche qui se penchent sur les stratégies en matière de VIH/sida et de réduction de la pauvreté et dont les informations peuvent influencer les politiques et d'autres interventions appropriées. Le VIH/sida devrait également figurer dans les programmes universitaires. La mise en place de projets communautaires de développement durable pourrait permettre aux individus et aux ménages de réduire l'impact de la maladie sur la pauvreté.
L'auteur tient à remercier les professeurs Julian May et Alan Whiteside de l'University of KwaZulu-Natal pour leur contribution à cet article.
Notes 1 D. Gachui, The Impact of HIV/AIDS on Education
Systems in the Eastern and Southern
African Region, rapport de l'UNICEF, 1999.

2 C. L. Risley and L. J. Drake, Impact of HIV and
AIDS on Education in the Greater Mekong
Sub-Region, Workshop Presentation, Siem
Reap, Cambodge, 2007.

3 HIV Prevalence and Related Factors-Higher
Education Sector Study, Afrique du Sud 2008-
2009, ISB N: 978-0-620-46068-2, 2010.

4 T. Barnett and A. Whiteside, AIDS, Public
Policy and Child Well-Being (sous la direction de Giovani
Andrea Cornia), chapitre 11, centre de recherche
Innocenti de l'UNICEF, 2007.