17 octobre 2011

Au Forum du Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI), la cyberadministration a été au coeur des débats, entre autres le fait que le développement des services en ligne est directement lié à la participation active des citoyens et du secteur privé dans la fourniture des services publics. Il est donc nécessaire d'accroítre le niveau de participation de toutes les parties prenantes à la prise de décision et au processus de sa mise en oeuvre. La coopération internationale, nationale et individuelle pourrait, par ailleurs, permettre d'examiner la question de la réalisation d'une société de l'information ouverte à tous. D'autre part, l'hétérogénéité des modèles de cyberadministration et les inégalités marquées entre les sociétés fondées sur le savoir et les sociétés rudimentaires sont les plus grands obstacles à surmonter. Dans ce contexte, nous devons discerner quel rôle la cyberadministration joue dans la réduction de la fracture numérique.

LES DIMENSIONS DE LA FRACTURE NUMÉRIQUE

Le concept de fracture numérique a évolué au fil des ans, étant généralement défini comme une question sociale liée au volume d'informations entre ceux qui ont accès et ceux qui n'ont pas accès à la société de l'information et aux technologies de l'information et de la communication. Il désigne aussi le niveau socio-économique et culturel des pays, des régions, des villes et des entreprises en matière d'accessibilité aux TIC. Cette fracture comprend des déséquilibres en matière d'accès à l'infrastructure de l'Internet, d'informations, de connaissances et d'égalité des chances en fonction du revenu, de la race, de l'origine ethnique, du sexe ou de critères similaires.

Sa nature est complexe. Il est donc impératif de faire un diagnostic précis de ses causes afin de discerner les solutions qui conviennent et de les mettre en oeuvre. La fracture numérique est vaste. Il existe une forte corrélation entre celle-ci et la pauvreté. Près de 40 % de la population mondiale vit dans des pays à revenu faible. Environ un milliard de personnes n'a pas accès aux TIC. En outre, la fracture numérique revêt de multiples formes. Des études montrent que, quel que soit le nombre d'info-kiosques ou de télécentres installés dans un pays à faible revenu ou un pays en développement, la probabilité d'utiliser Internet est dix fois plus importante pour une personne vivant dans un pays développé ou à revenu élevé par rapport à une personne vivant dans un pays en développement. Cela démontre que l'éducation et le changement des mentalités sont des facteurs essentiels. Les gouvernements devraient agir en créant les outils de cyberadministration et en les utilisant afin de se préparer à l'ère électronique, d'éduquer la population à l'usage d'Internet et de soutenir sans discrimination le développement des compétences en TIC.

CAUSES ET SOLUTIONS

Des études montrent qu'un grand nombre de facteurs favorisent cette fracture croissante comme, entre autres, les bas revenus et autres limites financières, les connexions de mauvaise qualité ou à tarif élevé, le niveau d'instruction faible, l'absence de connaissances informatiques, le manque d'assistance technique et l'accès limité à un contenu de qualité.

Le coût des TIC est une question cruciale dans de nombreux pays, mais le manque de connaissances et de compréhension de ces technologies l'est encore plus. Des études montrent que plus de 40 % de la population mondiale n'a pas la possibilité d'apprendre à utiliser un ordinateur. C'est la question la plus difficile à traiter, car elle implique des changements à la fois dans l'éducation et les mentalités ainsi que dans les investissements pour développer des services en ligne. La cyberadministration devrait jouer le rôle de premier plan dans la création d'outils d'administration en ligne utilisables, quel que soit le niveau d'instruction. Certains sites gouvernementaux sont très compliqués et peu conviviaux que ce soit en matière d'accès ou de contenu. L'adoption d'une démarche intégrée et axée sur le citoyen peut amener les gouvernements à offrir à tous les mêmes possibilités en matière d'utilisation des TIC.

La coopération entre les parties prenantes dans le domaine de la cyberadministration, comme les gouvernements centraux, les autorités publiques locales, le secteur privé, les universités, la société civile et les organisations internationales est un facteur essentiel. Elles devraient donner suite aux directives formulées dans les engagements pris dans l'Agenda de Tunis pour la société de l'information1. Les applications des TIC et la mise en oeuvre des stratégies de cyberadministration, la promotion de la transparence dans les administrations publiques et les processus démocratiques sont une part importante de la vision commune et des principes directeurs. La collaboration internationale et la fourniture de moyens d'exécution nous feraient franchir une étape de plus dans la réduction de la fracture numérique.

Les gouvernements devraient jouer un rôle de premier plan dans la création et le déploiement des services en ligne accessibles et des contenus TIC. Ils devraient aussi faciliter le développement d'un environnement approprié et non discriminatoire pour la cyberadministration par la mise en place de cadres réglementaires, la définition des orientations stratégiques et la garantie des gouvernements. La cyberadministration devrait devenir un outil puissant similaire pour réduire le fossé comme, par exemple, en assurant un accès bon marché au haut débit2. On pourrait aussi fabriquer des ordinateurs et fournir des technologies mobiles de communication plus faciles à utiliser, comme Simputer, un ordinateur qui peut même être utilisé par des analphabètes. En outre, les études prévoient que, d'ici à 2018, il y aura autant de téléphones portables que d'habitants sur la planète. Cela devrait amener les gouvernements à réagir.

Pour évaluer correctement la fracture numérique, il est essentiel d'adopter une approche générale. Le classement international est généralement basé sur le nombre d'utilisateurs d'Internet, car il mesure la connectivité et l'accès. Si l'on tient compte des problèmes que connaissent de nombreux pays, comme l'analphabétisme, l'absence d'eau courante ou la famine généralisée, cette approche est insatisfaisante. Les organisations internationales devraient adopter une approche générale, utilisant les indicateurs basés à la fois sur la qualité et sur la quantité. L'évaluation est importante pour mesurer le succès ou l'échec de la mise en oeuvre des diverses méthodes mises en place pour réduire la fracture numérique.

Les gouvernements et les outils d'administration en ligne adaptés pourraient y contribuer. Les applications des TIC par les gouvernements pourraient réduire le fossé numérique entre les jeunes et les personnes âgées, les femmes et les hommes, les personnes analphabètes et les personnes instruites ou même entre les pays et les régions moins développés. Les médias ainsi que les autorités locales et les universités peuvent et devraient être un outil majeur pour assurer une communication et une diffusion efficaces. Dans leur demande d'aide et de collaboration internationales ainsi que de soutien financier, les gouvernements des pays en développement devraient accorder la priorité aux applications de l'administration en ligne. Il faudra ensuite harmoniser les règles de l'administration en ligne, construire et atteindre un consensus dans la mise en oeuvre d'un ensemble de services en ligne interconnectés et interopérables.

Certains disent que l'Internet transforme rapidement notre société. Les TIC, les ordinateurs et les réseaux associés jouent un rôle de plus en plus important dans le processus d'apprentissage et les carrières. Dans ce sens, la fracture numérique existante a un effet négatif sur les personnes qui vivent dans les régions moins développées ainsi que sur les couches socio-économiques défavorisées. Les seules parties prenantes qui peuvent offrir à tous les mêmes opportunités sont les gouvernements. Ils devraient donc assumer un rôle prépondérant dans la cyberadministration comme instrument clé pour réduire le fossé.

Pour que la cyberadministration soit un facteur déterminant dans la réduction de fracture numérique, il faut :

  • Assurer la coopération internationale, nationale et régionale.
  • Harmoniser le cadre juridique et les réglementations.
  • Mettre en place un ensemble de services en ligne interconnectés et interopérables.
  • Promouvoir les compétences en TIC et la culture numérique.
  • Éduquer et préparer la population des régions moins développées à la société de l'information et encour ager la préparation à l'ère électronique.
  • Lancer des services en ligne pilotes dans les régions moins développées en fournissant une assistance technique adéquate.
  • Développer l'apprentissage électronique et des conte nus TIC adaptés.
  • Encourager la participation en ligne et l'inclusion des diverses catégories sociales dans l'élaboration des politiques et la prise de décision, même en uti lisant les nouvelles technologies des médias, comme les réseaux sociaux.
  • Promouvoir l'utilisation de la communication mobile comme infrastructure permettant de diffuser les services en ligne.
  • Augmenter la transparence dans la prise de décision et les dépenses budgétaires en mettant en oeuvre les services en ligne.
  • Faire participer les citoyens à tous les processus de l'administration publique locale et nationale.
  • Améliorer la qualité de vie dans tous ses aspects en améliorant les services en ligne et l'accès aux connaissances.

Deux exemples illustrent les avantages que la cyberadministration peut offrir. Le premier a trait à une application pour la médecine en ligne conçue par le Gouvernement égyptien afin de diagnostiquer le cancer du sein chez les Égyptiennes âgées de plus de 45 ans. Le système est basé sur les communications par satellite pour pouvoir transmettre les tests via des unités de soins à distance. Ce service permet de traiter le cancer du sein à un stade précoce sans discrimination. La deuxième meilleure pratique vient du Nigeria, où le Gouvernement a développé une application cyberagriculture pour aider le secteur agricole. Ce système fournit des informations stratégiques et encourage la promotion de nouvelles compétences utiles en TIC parmi les agriculteurs nigérians.

Comme l'indique une étude récente réalisée en Europe par le sous-groupe « e-Government for Sustainable Development » des Nations Unies et l'Institute for Management and Sustainable Development, la qualité de la vie est directement liée aux services de cyberadministration ainsi qu'aux opportunités offertes par les TIC. Les personnes interrogées ont indiqué que la résistance au changement était le principal obstacle à la mise en oeuvre des services en ligne et que la stratégie individuelle et la politique publique dans le domaine de la cyberadministration devraient correspondre aux normes internationales. Cela montre le rôle important de la cyberadministration dans la réduction de la fracture numérique et le développement d'une société numérique équitable et axée sur le citoyen.

Afin de réaliser une société durable, les gouvernements et les autres parties concernées devraient s'attacher à garantir l'égalité des chances pour les jeunes et les futures générations. Les TIC sont un élément essentiel de l'avenir et la réduction de la fracture numérique devrait être une priorité. La fourniture de services en ligne adaptés et la promotion de la culture numérique devraient être une question de sécurité et une priorité pour les gouvernements afin d'assurer à leur pays ou à leur région une place dans la société future axée sur le savoir.
Notes

1 SMSi s'est déroulé en deux étapes : à Genève, en décembre 2003, et à tunis, en novembre 2005. 2 Le terme « haut débit » désigne une connexion avec un trans fert de données rapide à l'internet à des vitesses plus rapides que les connexions classiques.

 

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