Le 10 décembre 2008, les Nations Unies ont commémoré le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme par des célébrations dans le monde entier. Il y a six décennies, la communauté internationale affirmait que la force des idées partagées ainsi qu'une vision commune d'une coexistence pacifique et d'une coopération entre les peuples pouvaient repousser la brutalité, la haine et la destruction.

Née des atrocités commises durant la Seconde Guerre mondiale avec son lot de douleurs et de honte, la Déclaration a représenté et continue de représenter l'une des réalisations les plus importantes de l'humanité. Elle incarne l'espoir d'un monde meilleur, où les aspirations de liberté et de bien-être convergent. Les auteurs de la Déclaration, issus de divers pays et de diverses cultures, ont réussi à formuler pour la première fois un système de valeurs universelles ainsi que des droits qui garantissent à tous, partout dans le monde, dignité, justice et égalité.

La Déclaration universelle a envisagé un monde où chaque homme, chaque femme et chaque enfant vivrait dans la dignité, ne connaítrait pas la faim et serait protégé de la violence et de la discrimination, avec tous les bénéfices du logement, des soins de santé, de l'éducation et des chances égales. Cette vision représente la culture mondiale des droits de l'homme que nous nous attachons à promouvoir et qui devrait nous unir au lieu de nous diviser, tant dans notre propre culture qu'entre les cultures.

Nés de la formidable intuition et du travail préliminaire des auteurs de la Déclaration, le discours et l'action sur les droits de l'homme ont, par la suite, souligné avec une plus grande acuité les éléments fondamentaux qui découlent de l'universalité des droits de l'homme. Le droit relatif aux droits de l'homme et la défense des droits de l'homme ont mis l'accent sur les valeurs communes inhérentes à l'être humain ainsi que sur le caractère indivisible des droits. Ils ont souligné le devoir premier des États d'assurer le plein effet de l'ensemble des droits ainsi que la responsabilité de la communauté internationale et de ses institutions de promouvoir une culture de solidarité et de renforcer les capacités de mise en œuvre, de façon à assurer le plein effet de ces droits.

Universalité inhérente et indivisibilité des droits

Les divers auteurs de la Déclaration universelle ont insisté sur la parenté des droits, notre droit à tous de mener une vie dans la dignité et d'être pris en compte quels que soient le passé, le sexe, la couleur, le statut et les opinions. La Déclaration a été cruciale à envisager la liberté et les droits comme des valeurs qui se renforcent mutuellement, issues des mêmes aspirations humaines. Elle a lié sans aucune équivoque la destitution et l'exclusion à la discrimination et à l'inégalité d'accès aux ressources et à l'égalité des chances. Les auteurs ont aussi compris que la stigmatisation sociale et culturelle a empêché la pleine participation à la vie publique, notamment la capacité d'exercer une influence sur les politiques et d'obtenir justice. En d'autres termes, ils ont clairement indiqué que tous les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels étaient non seulement universels mais aussi indivisibles et liés entre eux dans leur application - individuellement et globalement. Ce qui signifie qu'on ne peut pleinement jouir d'un ensemble de droits sans l'autre. Comme l'a déclaré le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, nous ne pouvons pas « choisir les droits que nous voulons ».

Je témoigne des caractéristiques communes aux droits de l'homme universels et des dangers de ne pas reconnaítre leur indivisibilité. J'ai grandi à Durban dans un système d'apartheid qui a institutionnalisé la discrimination raciale en déniant l'égalité des droits et la citoyenneté à tous ceux qui n'étaient pas blancs. Mais l'expérience de l'Afrique du Sud montre qu'avec une volonté politique, l'engagement international et la détermination, il est possible de surmonter la discrimination, l'inégalité et l'intolérance et d'affirmer les droits civils, quels que soient les obstacles.

Je connais aussi de première main les bénéfices des droits économiques, sociaux et culturels, notamment l'accès à l'éducation, ainsi que les effets des obstacles à cet accès. À 16 ans, j'ai écrit un essai sur le rôle des femmes sud-africaines dans l'éducation des enfants sur les droits de l'homme. Quand l'essai a été publié, les membres de ma communauté ont collecté des fonds pour envoyer à l'université une jeune femme pleine de promesses et sans ressources. Malgré leurs efforts et leur bonne volonté, j'ai failli ne pas devenir avocate parce que, pendant le régime d'apartheid, la ségrégation était omniprésente. J'ai cependant persévéré. Après avoir obtenu mon diplôme, j'ai recherché un poste de stagiaire, ce qui était obligatoire dans le cadre de la loi, mais, en tant que femme noire, j'ai dû combattre de nombreuses discriminations et surmonter de nombreux obstacles. Finalement, un avocat noir a accepté de me prendre dans son équipe, mais pas avant de lui avoir promis de ne pas tomber enceinte. J'ai aussi créé mon propre cabinet d'avocats, pas par choix, mais parce qu'une avocate noire n'avait aucune chance de trouver un emploi.

En résumé, tant mon expérience personnelle que mes convictions me poussent à réaffirmer que les droits politiques et civils ainsi que les droits économiques, culturels et sociaux sont étroitement liés entre eux. Je voudrais simplement souligner l'importance de l'éducation pour assurer un emploi, son impact positif sur la participation politique et sociale et l'accès aux soins de santé ainsi que le rôle décisif qu'elle joue en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Les violations d'un droit amoindrissent les autres droits et ont des répercussions en cascade.

On comprend mieux aujourd'hui comment les aspects du bien-être humain et de la dignité humaine, c'est-à-dire les droits de l'homme, le développement et la sécurité, sont étroitement liés. Aujourd'hui, un vaste organe de droit international - allant du droit relatif aux droits de l'homme au droit humanitaire international en passant par le droit international des réfugiés et le droit pénal international - renforce la protection en temps de guerre, de paix et de situations d'urgence. Aucun ensemble de droits n'a été négligé.

La récente Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif et, aujourd'hui, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels témoignent du fait que la création de normes est un processus continu qui peut être perfectionné et agrémenté de nouvelles idées et de solutions pour répondre aux défis actuels et émergents.

L'importance instrumentale des principes des droits de l'homme, comme l'égalité, la participation, la responsabilité et l'état de droit, est aujourd'hui largement acceptée. L'information et la liberté de réunion et d'expression sont des éléments vitaux dans l'élaboration des politiques et la mise en œuvre mesurable. Les droits socio-économiques sont essentiels à l'exercice efficace de ces libertés, et l'égalité des sexes a également été une condition préalable indispensable pour promouvoir et diffuser l'éducation, le dévelopement et améliorer la vie des populations dans le monde.

Pourtant l'universalité des droits de l'homme est souvent remise en cause, plus souvent par les débiteurs de l'obligation que par les détenteurs de droits. Ce scepticisme n'est pas tant dû à des objections conceptuelles au défi de l'universalité, mais est plutôt un moyen pour certains États d'éviter de mettre en œuvre l'ensemble des droits de l'homme. Je suis toutefois persuadée que tous les peuples partagent les mêmes idées sur les actions à mener pour vivre dans la dignité, à l'abri du besoin et de la peur. Alors que la promotion et la mise en œuvre des normes des droits de l'homme demandent une prise de conscience du contexte, l'universalité des valeurs fondamentales et des aspirations incarnées dans ces engagements est incontestable.

Les attaques sur l'universalité des droits sont souvent des obstacles à la mise en œuvre des droits de l'homme. Certains critiques maintiennent que la Déclaration universelle est allée trop loin en promouvant la liberté et les valeurs des traditions libérales. D'autres considèrent que ses auteurs ne sont pas allés assez loin et que la liberté occupe une place plus importante que le bien-être matériel. En fait, la Déclaration ne privilégie pas certaines cultures au détriment d'autres. Parlant au nom de notre humanité commune, elle tire ses principes de nombreuses traditions et les établit sur une base solide par une codification uniforme.

La nécessité d'une mise en œuvre universelle

Malgré les engagements solennels et les avancées normatives, la mise en œuvre présente d'importantes lacunes. Nous n'avons pas mis fin à l'impunité, aux conflits armés, à la discrimination et au régime autoritaire. Il est regrettable que les droits de l'homme soient parfois bafoués au nom de la sécurité. Il est également déplorable qu'un compromis entre la justice et la paix soit souvent invoqué quand les sociétés sortent d'un conflit et que les combattants retournent chez eux. La pauvreté, les diverses manifestations de la discrimination, comme la race, l'appartenance à un groupe ethnique, le sexe, le handicap, les conditions de santé et l'orientation sexuelle, ainsi que les violations des droits de l'homme commis lors des mouvements massifs de personnes, constituent une des plus grandes préoccupations.

Alors que nous continuons à établir des normes internationales, nous ne devrions jamais perdre de vue que ces normes sont pour les individus et les populations dans le monde particulièrement importantes au niveau national. Il faut redoubler d'efforts pour mettre en œuvre les droits sur le terrain. Un premier pas indispensable est d'encourager les États qui ne l'ont pas encore fait à ratifier et à mettre en œuvre sans réserve tous les traités internationaux des droits de l'homme. En plus d'intégrer les normes internationales dans les systèmes légaux nationaux, les autres éléments nécessaires pour promouvoir le respect des droits de l'homme comprennent la mise en place de services judiciaires et législatifs indépendants et d'institutions nationales des droits de l'homme. L'examen rigoureux réalisé par ces institutions, ainsi que par les médias et d'autres organisations de la société civile, est essentiel pour assurer la responsabilité pour les actions menées ou pour l'omission de ces actions.

L'interprétation du droit international relatif aux droits de l'homme est cependant loin d'être uniforme, des approches différentes ayant été adoptées pour faire respecter les normes en matière de droits de l'homme. Les interprétations qui font loi et les évaluations faites par des mécanismes indépendants, comme les organes créés en vertu d'instruments internationaux, les procédures spéciales ou les cours régionales des droits de l'homme, fournissent les meilleures orientations. Mais on ne peut échapper au fait qu'il est du devoir des États, quels que soient leurs systèmes politiques, économiques et culturels, de promouvoir et de protéger tous les droits de l'homme ainsi que toutes les libertés fondamentales. Pour cela, les gouvernements devraient utiliser toutes les ressources disponibles de manière équitable. En particulier dans les pays qui sont dans des situations de transition, la protection judiciaire des droits économiques, sociaux et culturels est d'une grande importance stratégique. Les droits des minorités, des femmes et des groupes vulnérables, désavantagés et marginalisés, notamment leur droit à accéder à la justice ainsi que le droit à une restitution et à une indemnisation, doivent être sauvegardés.

Je voudrais aussi faire remarquer que toute stratégie globale visant à promouvoir la mise en œuvre universelle des droits de l'homme comprend l'éducation des droits de l'homme. En développant les valeurs et en renforçant les attitudes qui soutiennent les objectifs de la Déclaration universelle, l'éducation des droits de l'homme souligne la responsabilité commune d'actualiser ces droits dans chaque communauté. Cette éducation permet aux détenteurs de droits d'identifier leurs besoins, d'y répondre et de trouver des solutions conformes aux normes internationales.

Et je dirais même que loin d'être une simple aspiration idéaliste, la mise en œuvre universelle des droits de l'homme est dans l'intérêt de tous les États. Il est aussi dans leur intérêt d'assurer que leurs voisins les respectent. La répression et les conditions de vie difficiles incitent souvent ceux qui ont les moyens et les capacités à abandonner leur pays pour trouver refuge ailleurs. Cette situation entraíne une perte de potentiel et de ressources - à la fois du capital humain et du capital social - un prix lourd à payer non seulement pour ceux qui sont directement impliqués mais aussi pour le développement du pays qu'ils quittent. Les réfugiés qui fuient la guerre et la dévastation peuvent même déstabiliser les pays voisins. De plus, quand des personnes sont déplacées dans leur pays, des populations entières et des moyens d'existence sont détruits. Faute d'une bonne gouvernance et du respect des droits, la raison d'être et la cohésion d'une nation sont sapées. Les conséquences de ces échecs persistent souvent longtemps après le retour à la normale. Pour y remédier, des investissements et des ressources considérables sont souvent nécessaires de la part du pays concerné et de la communauté internationale.
 

Interdépendance mondiale et solidarité

Rien n'illustre peut-être de façon plus frappante la nécessité de réunir des ressources que les nouveaux défis des droits de l'homme. Ces défis comprennent les récentes situations d'urgence alimentaires, les crises financières continues, le changement climatique, la migration et le terrorisme. Nous devons cependant continuer à lutter contre les fléaux que nous connaissons depuis un siècle, comme la discrimination raciale et l'inégalité des sexes, par une action collective plus ciblée et plus efficace.

Mais ne nous méprenons pas : les plus chanceux parmi nous, ceux à qui sont épargnés les effets négatifs de la catastrophe, ne peuvent ignorer les effets en cascade des abus et de l'indifférence de chaque occupant de notre village mondial. Les droits, ou leurs violations, ainsi que la négligence des obligations que les droits entraínent, engagent la solidarité et la responsabilité de tous. Nous avons vu comment des situations négligées depuis longtemps ont posé des dangers mondiaux au cours des récentes crises alimentaires et financières. La pénurie de denrées alimentaires à des prix abordables et le manque de moyens de subsistance, y compris l'accès au crédit, ont été particulièrement ressentis par les personnes, les familles et les populations qui étaient victimes de pratiques d'exclusion et de discrimination profondément ancrées. Des crises de cette ampleur risquent de condamner des générations entières à la pauvreté extrême si nous n'examinons pas les causes structurelles de ces problèmes qui sont enracinées dans les violations des droits de l'homme.

En ne donnant pas aux groupes vulnérables les moyens de revendiquer leurs droits et en mettant en vigueur des politiques répressives pour étouffer toute forme de contestation, nous aggravons encore plus la situation des populations marginalisées. Nous devons mettre en place des mesures pour y remédier. Cela inclut non seulement des secours immédiats mais aussi des politiques équitables sur la propriété foncière, l'accès au crédit et les services de base, l'égalité d'accès aux autres ressources productives et l'intervention publique comme filet de sécurité, ainsi que la création de véhicules et de voies de communication pour faire connaítre les besoins, dénoncer les abus et obtenir une réparation.

Pour mettre en œuvre ces mesures, il faudrait d'abord tenir compte de l'appel du Secrétaire général de l'ONU demandant à redoubler d'efforts et à promouvoir la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement, et s'assurer que cette démarche est fondée sur les droits de l'homme. L'une des « valeurs ajoutées » de l'approche des droits de l'homme en matière de réduction de pauvreté et de développement, dont mon Bureau se fait le champion et le défenseur à chaque occasion, réside dans l'établissement d'un cadre d'institutions et de normes pour réduire les disparités et encourager la coopération. Cette approche permet d'arbitrer les revendications conflictuelles qui se présentent inévitablement au cours du processus de développement. Il est indiscutable que les normes en matière de droits de l'homme fournissent un ensemble objectif de normes minimales qui nous permet d'identifier ceux qui ont été marginalisés, ou même oubliés, dans le processus de changement social et de développement.

Le changement climatique est une autre question internationale qui a souvent été traitée sans bénéficier de l'intégration d'une composante des droits de l'homme dans les interventions internationales. Les défis liés au climat posent également une menace directe à un ensemble de droits de l'homme universellement reconnus, comme le droit à la vie, à la nourriture, à la santé et à un logement convenable. Les conséquences des conditions météorologiques extrêmes sont déjà visibles dans de nombreuses parties du monde. Une approche fondée sur les droits de l'homme nous amène à prendre en compte ceux dont la vie est la plus durement affectée. Elle fournit une raison légale pour promouvoir l'intégration des obligations en matière de droits de l'homme dans les politiques et les programmes qui traitent les effets négatifs de l'environnement. Elle lie l'évaluation des situations vulnérables critiques, qui sont volontairement ou non négligées, à la responsabilité des actes d'engagement et d'omission de la part des États.

La migration est aussi un autre défi important qui nécessite une approche globale. La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leur famille fournit une base solide pour élaborer des politiques cohérentes entre les pays et respectueuses des droits des migrants à la fois dans les pays d'accueil et les pays d'origine. J'encourage vivement tous les États Membres de l'ONU à ratifier cet instrument important car, pour répondre efficacement aux défis de la migration, il faut instaurer des normes uniformes permettant d'assurer une action concertée de la part des pays d'accueil et des pays d'origine. Nous ne devons aussi épargner aucun effort dans la lutte contre la traite des êtres humains, un phénomène souvent lié aux flux migratoires. La traite est une industrie qui brasse des millions de dollars considérant les êtres humains comme une marchandise. C'est une violation des droits de l'homme et une atteinte aux valeurs humaines.

En ce qui concerne le terrorisme, il est indéniable que ce fléau se développe souvent dans des environnements où les droits de l'homme sont bafoués et violés, où il n'existe pas de voies non violentes pour exprimer son mécontentement, où la discrimination et l'exclusion sont une réalité quotidienne. Il est largement reconnu que non seulement le respect des droits de l'homme est un élément essentiel d'une stratégie de lutte contre le terrorisme mais aussi que leur non-respect mine les efforts menés pour combattre ce fléau et engendre des conflits violents. Les droits de l'homme devraient être placés au cœur de la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme. Les États sont contraints juridiquement d'assurer que les mesures prises pour lutter contre les actes de terrorisme sont conformes à leurs obligations dans le cadre du droit international relatif aux droits de l'homme, en particulier le droit d'être reconnu en tant que personne devant la loi, les garanties d'une procédure régulière et le principe de non-refoulement*.

De par leur ampleur et leurs conséquences, les défis mondiaux actuels en matière de droits de l'homme seront probablement plus facilement reconnus comme des menaces courantes qui méritent l'attention de la communauté internationale. Pourtant, les abus profondément enracinés qui sont dictés par le racisme, la xénophobie, la discrimination et l'intolérance sont des problèmes qui continuent d'être une réalité quotidienne dans le monde et qui sont trop souvent négligés par la communauté internationale. Il ne fait aucun doute que les rivalités ethniques, la discrimination raciale et l'intolérance religieuse sont à la base de nombreux conflits violents entre communautés. La persistance du racisme après un conflit a également été une source importante d'instabilité et un obstacle majeur à une paix durable. La mobilité croissante des personnes due à la mondialisation ou au déplacement forcé a engendré des sentiments de haine et provoqué la montée de la xénophobie.

La gestion de la diversité humaine, l'un des défis du XXIe siècle, nécessitera une stratégie intégrant plusieurs approches. La Déclaration et le Programme d'action, adoptés lors de la Conférence mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée a fourni des outils pour aider les États à éradiquer la discrimination raciale et ethnique et les inégalités. Le débat sur ce sujet a été ravivé par la décision d'organiser un suivi à la Conférence des Nations Unies contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée qui aura lieu en avril 2009 à Genève. Elle sera chargée d'évaluer la mise en œuvre des engagements pris par les gouvernements il y a sept ans à Durban pour éradiquer la haine et la discrimination.

Ce sujet a récemment fait l'objet de nombreuses discussions et polémiques dont les propos n'ont pas toujours été modérés ou exacts mais, fondamentalement, personne n'a contesté l'importance des questions qui seront examinées lors du suivi de la conférence. Il est impératif que tous les États participent et contribuent à ce processus crucial afin de consolider la base commune pour les droits de l'homme fondamentaux. Pour optimiser nos chances de succès dans ce processus, une participation active de tous est nécessaire pour promouvoir le débat et la lutte contre le racisme. C'est pourquoi j'exhorte les gouvernements qui ont exprimé l'intention de ne pas participer à la conférence de reconsidérer leur position.

Cette discussion m'amène aussi à souligner une réalité fondamentale : malgré les meilleures des intentions, les instruments, les mécanismes et les processus des droits de l'homme ne sont pas auto-validés. Nous devons nous engager plus à fond dans une action collaborative afin de maximiser le potentiel de changement et d'évolution. La coopération a lieu sous diverses formes et dans de nombreux lieux « au niveau international principalement sous l'égide des Nations Unies, en particulier de l'Assemblée générale et du Conseil des droits de l'homme, ainsi que d'autres organes de l'ONU, comme le Conseil de sécurité. Une caractéristique importante du Conseil des droits de l'homme est le mécanisme d'examen périodique universel (EPU) qui a déjà été soumis à l'examen de 32 États et obtenu des informations d'une variété de parties prenantes, dont la société civile.

Nous devrions reconnaítre que L'EPU constitue un potentiel prometteur, même si je pense qu'une certaine forme d'expertise indépendante devrait faire partie de la procédure. Il n'a pas été possible d'inclure cette expertise au stade initial du suivi, mais les choses devraient évoluer lors de la préparation du deuxième cycle en 2011. De plus, le Conseil est un organe permanent. La fréquence de ses séances officielles et officieuses peut permettre de mieux adapter les opérations et les réponses aux situations chroniques de violation de droits de l'homme. Ce travail assidu peut également permettre de construire une base de compréhension solide et de créer plus d'opportunités en matière de renforcement des capacités parmi les membres du Conseil que ne le permettraient des interactions sporadiques.

La coopération a lieu aux niveaux régional et national. Je pense que dans ce cadre le Haut Commissariat aux droits de l'homme (HCR) occupe une position unique pour aider les organisations régionales, les gouvernements, les institutions nationales des droits de l'homme et la société civile à protéger et à promouvoir les droits humains. L'expansion de ses opérations sur le terrain et son interaction plus fréquente et plus intensive avec les organismes de l'ONU et les autres partenaires cruciaux comme les gouvernements, les organisations internationales et la société civile sont des étapes importantes dans cette direction. C'est dans ce cadre que nous pouvons facilement développer une coopération pratique en vue de créer des systèmes nationaux qui encouragent les droits de l'homme et fournissent une protection et des recours aux victimes des violations.

Le HCR joue un rôle important dans les pays où ses bureaux sont établis, dans les missions de la paix ou avec les conseillers des droits de l'homme auprès des équipes de pays de l'ONU. Nos activités sur le terrain comprennent actuellement 50 projets de coopération technique qui consistent souvent à assurer la surveillance des droits de l'homme et apporter une formation aux États, aux institutions nationales des droits de l'homme et à la société civile pour les aider à renforcer leurs capacités, à développer leur champ d'intervention et à mieux surveiller les situations sur le terrain. Ces projets sont généralement mis en œuvre en collaboration avec les organismes pertinents de l'ONU, les partenaires régionaux et les organisations non gouvernementales. De plus, le HCR a été doté d'une expertise solide dans les mécanismes de justice transitionnelle mis en place pour traiter les crimes passés. Ce sont des outils efficaces qui permettent de lutter contre l'impunité et qui peuvent aussi encourager la réconciliation dans les sociétés qui sortent d'un conflit.

En conclusion, malgré de nombreuses craintes et incertitudes, je suis encouragée par l'immense attention que la commémoration du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle a suscitée dans le domaine des droits de l'homme. Dans le monde entier, des organisations de bénévoles, des institutions, des enseignants, des étudiants, des avocats, des hommes politiques et les médias ont porté leur attention sur la Déclaration, un document qui garde toute sa pertinence aujourd'hui. Mais nous ne pouvons pas en rester là. Soixante ans plus tard, il nous reste un long chemin à parcourir pour atteindre les objectifs qui ont été énoncés dans la Déclaration. Des dizaines de millions de personnes ignorent toujours qu'elles ont des droits qu'elles peuvent faire valoir, que leur gouvernement a l'obligation de leur rendre des comptes et qu'ils sont soumis à un ensemble de lois nationales et internationales. Malgré tous les efforts que nous menons depuis plus de soixante ans, il est essentiel de poursuivre notre action pour aider de plus en plus de personnes à faire valoir leurs droits.
Nous savons qu'un grand nombre de défis demeurent sur le chemin qui mène à la pleine réalisation des droits de l'homme. J'ai souligné les plus difficiles, notamment ceux qui absorbent notre énergie et notre attention, car le HCR accorde une grande importance aux questions prioritaires. Mais je voudrais souligner que les soixante années qui se sont écoulées depuis l'adoption de la Déclaration universelle ont également ouvert la voie de l'avenir. Nous comprenons mieux aujourd'hui que la poursuite des droits de l'homme requiert un engagement individuel et collectif. Cet engagement doit surmonter le sectarisme et les intérêts mesquins, ce qui demande de l'imagination, de l'énergie, de la diplomatie, de la solidarité, de la détermination et de l'acharnement. Je suis sûre que les États, les organisations internationales et la société civile peuvent continuer ensemble à exploiter ces qualités et à les mettre au service des droits de l'homme.

Nous ne pourrons honorer pleinement l'imposante vision de la Déclaration universelle que lorsque ses principes universels seront respectés partout dans le monde et par tous les peuples.

* Convention relative au statut des réfugiés. Article 33 (1). Défense d'expulsion ou de refoulement : « Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. »