Les Seychelles sont le parfait antidote à la morosité en matière de biodiversité

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Les Seychelles sont le parfait antidote à la morosité en matière de biodiversité

- Dr Nirmal Shah, un défenseur de l'environnement chevronné
Africa Renewal
Afrique Renouveau: 
19 Décembre 2022
Serge Marizy
L'île Cousin

Le Dr Nirmal Shah, directeur de Nature Seychelles - une organisation de préservation de l'environnement - aux Seychelles, s'est entretenu avec African Renouveau sur les défis auxquels est confrontée la biodiversité mondiale. Ses réflexions et ses expériences constituent une lueur d'espoir à l'heure où le monde s'engage dans une nouvelle voie pour la nature, le Cadre mondial pour la biodiversité. En voici des extraits :

Dr Nirmal Shah

À quel moment avez-vous réalisé que la nature et la préservation étaient vos passions ?

Dr. Shah : Très tôt, à l'âge de six ou sept ans, car mon père était un grand naturaliste, historien, folkloriste, photographe, collectionneur de tout ce qui concerne les Seychelles et un pionnier de la préservation.

Qui a déclenché et influencé votre parcours dans la préservation ?

Mon père. Il s'intéressait à la préservation à une époque où très peu de Seychellois, voire aucun, ne s'y intéressaient. J'ai rencontré des scientifiques qui sont venus aux Seychelles dans les années 1960 et au début des années 1970 et je suis même allé sur le terrain avec eux.

Mon père possédait également une énorme bibliothèque. J'y passais une grande partie de mon temps libre lorsque nous n'étions pas en train de faire de la plongée en apnée sur les récifs à la recherche de mollusques marins, ce qui était une de ses passions, ou de faire des randonnées en montagne.

La conservation sans financement n'est que du bla-bla... Le manque de financement a été estimé à des milliards de dollars, mais ne nous leurrons pas. Des millions, voire des milliards, de dollars ont été dépensés, mais seul un petit pourcentage de cette somme parvient à la base, là où je suis...

Pendant des décennies, vous avez plaidé en faveur d'une préservation sans frontières, en plaçant des équipes internationales avec des praticiens et des communautés locales à la tête de la préservation et de l'apprentissage de la nature. Quelle a été votre motivation ?  

Les Seychelles sont la motivation. C'est un bout de planète incroyable qui continue d'inspirer et de motiver, malgré tous les défis. C'est toujours un travail d'équipe et dans mon cas, des équipes multidisciplinaires. 

J'ai fait appel à des experts du monde entier pour travailler sur les projets. J'ai facilité des partenariats avec des personnes aussi variées que des vétérinaires, des spécialistes du marketing social, des ornithologues, des aménageurs du territoire, des éducateurs, des professionnels du monde des affaires, des personnes aisées et même des groupes de jeunes.

Je suis convaincu que plus notre personnel est diversifié et collabore avec les populations locales, plus nous sommes en mesure d'innover et d'obtenir des résultats durables.

La préservation ne devrait pas avoir de frontières. J'ai un mot que j'utilise, "global". Du global au local.

Serge Marizy

Les dirigeants du monde entier se réunissent cette semaine à Montréal, au Canada, avec pour mission essentielle d'élaborer un cadre mondial pour la biodiversité afin de mettre un terme à la dégradation de la nature et des écosystèmes et de préserver les espèces de l'extinction au cours de la prochaine décennie. En tant que praticien de la conservation en première ligne, avez-vous des réflexions à partager ?

La préservation sans financement n'est que du blabla. La planète est dans une situation si désespérée que le blabla doit cesser. Il faut agir pour la préservation de la nature.  Le déficit de financement a été estimé à des milliards de dollars, mais ne nous leurrons pas. Des millions, voire des milliards, de dollars ont été dépensés, mais seul un petit pourcentage de cette somme parvient à la base, là où je me trouve. Ce n'est pas une opinion ; l'échec lamentable de tous les objectifs d'Aichi [ensemble ambitieux d'objectifs mondiaux visant à protéger et à conserver la biodiversité mondiale] parle de lui-même.

Cessons donc de nous voiler la face avec la gouvernance environnementale et sociale, l'investissement à impact, la finance mixte et les autres mots à la mode dans le domaine financier.

Démarrons la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes en veillant à ce que l'aide financière et technique parvienne là où elle est nécessaire, c'est-à-dire là où les espèces, les écosystèmes et les populations sont directement touchés, et en plaçant les champions locaux à la pointe du combat.

D'après votre expérience, comment la préservation de l'environnement a-t-elle évolué au fil des décennies ? Quel est l'avenir de la préservation, compte tenu de la double crise du climat et de la perte de biodiversité ?

Je suis optimiste en matière de préservation de l'environnement en raison de mes succès personnels et institutionnels.  Nous avons besoin d'immenses efforts concertés pour passer de l'agenda à l'action, du savoir à la pratique et de l'identification à la mise en œuvre.

La science a prouvé que les oiseaux sont d'excellents indicateurs de la santé des écosystèmes. En fait, nous avons restauré des îles entières pour y accueillir des populations d'oiseaux endémiques, ce qui a conduit à un réensauvagement naturel par les insectes et autres invertébrés, les reptiles et les oiseaux de mer.

Que nous apprennent les oiseaux sur les effets de l'homme sur la biodiversité et le changement climatique ?

La science a prouvé que les oiseaux sont d'excellents indicateurs de la santé des écosystèmes. En fait, nous avons restauré des îles entières pour y accueillir des populations d'oiseaux endémiques, ce qui a conduit à un réensauvagement naturel par les insectes et autres invertébrés, les reptiles et les oiseaux de mer.

La plupart des extinctions d'oiseaux dans les temps modernes ont eu lieu sur des îles. Notre travail, qui s'appuie sur la combinaison d'oiseaux et d'îles aux Seychelles, est un antidote à tout ce pessimisme. Il démontre que nous pouvons assurer la préservation d'espèces très menacées et de leurs habitats de notre vivant.

Il est réconfortant de voir que les discussions sur le cadre pour la biodiversité parlent de "nature-positive" et de "solutions fondées sur la nature", car c'est là où nous en étions en 2002.

Conservation should not have borders… Most of the bird extinctions in modern times have taken place on islands

Les oiseaux nous ont beaucoup appris sur le climat et l'environnement. Ils existent au sein d'un écosystème plus vaste, et nous réalisons aujourd'hui que pour sauver les oiseaux, nous devions sauver tout le reste.

Cela inclut l'environnement marin, où des recherches récentes montrent que la restauration des écosystèmes insulaires terrestres profite également aux récifs coralliens. Cela a influencé notre changement de nom de Birdlife Seychelles à Nature Seychelles. C'était il y a exactement 20 ans.

La pie des Seychelles, espèce endémique : Photo de Glenn Jackway

Après avoir sécurisé et restauré la biodiversité et les populations d'oiseaux, vous êtes passé à d'autres projets, comme la restauration à grande échelle des récifs coralliens, les aires marines gérées localement et les nouvelles technologies de préservation. Qu'est-ce qui vous pousse à continuer ?

Pour moi, la préservation est la vie - le reste n'est que détail. Les Seychelles sont ma passion. Ce sont les plus belles îles du monde, qui regorgent d'une biodiversité endémique mais qui sont endommagées par le développement et le changement climatique. C'est ce qui me motive.