20 novembre 2023

Lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé le 21 novembre la Journée mondiale de la télévision en 1996, le média commençait à peine à être confronté à certains des défis liés à l’émergence des technologies numériques. Depuis, la télévision est passée de la diffusion analogique à la diffusion numérique, des coffrets aux téléviseurs à écran plat et aux écrans d’ordinateur, et de la transmission nationale à la portée mondiale grâce aux plates-formes numériques par satellite, tout en améliorant progressivement la qualité du son et de l’image. L’ensemble de l’environnement technologique a été réorganisé, mais à un prix élevé pour l’industrie des médias au sens large ainsi que pour les fonds publics. Aujourd’hui, il est difficile de trouver une chaîne de télévision qui ne diffuse pas en ligne; la majorité des radiodiffuseurs ne dépendent plus des rares fréquences radio. La télévision traditionnelle a donc survécu à la concurrence féroce des médias en ligne, y compris les plates-formes de partage de vidéos et les services de médias audiovisuels non linéaires à la demande.

En outre, la télévision demeure la plus grande source de consommation de vidéos, le nombre de foyers équipés d’un service de télévision dans le monde ne cessant d’augmenter. En plus du divertissement, la télévision offre de nombreuses possibilités de promouvoir l’éducation, la compréhension et la culture, au-delà et à l’intérieur des frontières, et de sensibiliser le public aux événements mondiaux importants qui font la une de l’actualité.

La télévision nous permet de nous concentrer sur les questions majeures actuelles, alors que nous sommes témoins de conflits et de menaces à la sécurité politique, économique et sociale qui ont souvent lieu en temps réel. Dans de nombreux pays, le service public de radiotélévision ou les médias de service public (MSP), comme on les appelle actuellement, est chargé de fournir le contenu des nouvelles télévisées. L’année même où les Nations Unies ont décidé de célébrer la Journée mondiale de la télévision, le Conseil de l’Europe a reconnu les MSP comme étant « un facteur essentiel d’une communication pluraliste ». Ils sont généralement chargés d’assurer le strict respect des normes journalistiques professionnelles, une approche équilibrée et impartiale de l’actualité, la pluralité des points de vue politiques et culturels ainsi que la présentation de programmes destinés à des publics variés. Ils répondent également aux besoins des enfants, des femmes ainsi que de ceux de divers groupes minoritaires qui pourraient, autrement, être ignorés par les médias commerciaux.

La confiance du public dans les radiodiffuseurs publics est traditionnellement gagnée grâce au travail acharné des journalistes de télévision et des rédacteurs en chef qui s’efforcent de répondre aux attentes des téléspectateurs. Dans la cacophonie actuelle des messages contradictoires, de la désinformation et des interprétations contradictoires des événements, les MSP sont la voix d’un journalisme d’investigation de qualité s’appuyant sur la vérification des faits, le contexte et la raison. À cet égard, ils sont en mesure d’établir une norme pour les médias commerciaux afin d’assurer la diffusion d’informations opportunes et fiables au public, en particulier dans les situations d’urgence.

Andrei Richter s’exprime lors de la XVIe Université d’été internationale sur le droit des médias qui a eu lieu à Kiev, en Ukraine, le 6 août 2020. Photo offerte par Center for Democracy and Rule of Law.

Malheureusement, dans de nombreuses sociétés dites en transition, la télévision de service public est arrivée comme un enfant pauvre et non désiré, privé de soins et d’attention, n’existant que comme une réforme démocratique de façade. 

Dans d’autres contextes, les médias de service public n’existent que de nom, car ils sont sous le contrôle du gouvernement, à la fois sur le plan financier et administratif. Dans ces cas, la confiance dans les MSP est perdue, car ils deviennent dépendants du gouvernement et retransmettent les messages de ceux qui détiennent le pouvoir.   

Le tableau devient plus sombre lorsque les MSP contrôlés par le gouvernement sont complétés par d’autres chaînes sur lesquelles l’État a la mainmise. La mainmise sur les médias vise à contrôler le public par le biais de la propagande et de son arme principale : la désinformation. En dominant les médias audiovisuels, en exerçant une pression sur les télédiffuseurs et en réduisant éventuellement leur liberté éditoriale, l’État porte atteinte, parmi d’autres libertés, à la liberté d’information, qui est inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies, adoptée il y a 75 ans. Ayant le contrôle sur l’information de masse, l’État détient le monopole de la « vérité » et ne garantit plus le pluralisme des médias.

C’est un sujet de préoccupation pour l’ensemble de la communauté internationale, car l’oppression systématique du droit à la liberté d’information à l’intérieur des frontières nationales mène à l’agressivité et à la propagande malveillante contre ceux qui existent au-delà des frontières du pays.

La Convention internationale concernant l’emploi de la radiodiffusion dans l’intérêt de la paix, un traité de la Société des Nations Unies datant de 1936, revêt une importance particulière dans ce contexte, car elle oblige les gouvernements à « restreindre les expressions qui constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales ». Par la Convention, à laquelle un certain nombre d’États Membres des Nations Unies sont toujours partie (du moins formellement)1, les gouvernements sont tenus d’interdire et de faire cesser toute émission de radiodiffusion sur leur territoire qui est « de nature à inciter la population d’un territoire quelconque à des actes incompatibles avec l’ordre intérieur ou avec la sécurité de ce territoire ». Elle contient un mandat similaire concernant « l’incitation à la guerre contre une autre haute partie contractante ». Cette disposition ne fait aucune différence entre le discours de l’État et celui des particuliers. Par ailleurs, elle interdit également la diffusion de fausses nouvelles. Si les différends relatifs à la mise en œuvre de la Convention ne peuvent pas être réglés entre les parties par la voie diplomatique, ils peuvent être portés devant la Cour internationale de Justice, qui a succédé à la Cour permanente de Justice internationale. Si ces parties ne sont pas membres de la Cour, le différend peut être soumis à l’examen d’un tribunal d’arbitrage, constitué conformément à la Convention de La Haye du 18 octobre 1907 pour le règlement pacifique des différends internationaux, telle que révisée par les Nations Unies en 1949.

Un ingénieur au travail dans la salle de contrôle de l’UNTV au Siège des Nations Unies, à New York, pendant l’enregistrement de l’émission d’actualité « World Chronicle », le 2 août 1984. Photo ONU/Yutaka Nagata

S’appuyant sur la Charte des Nations Unies et conformément aux buts et aux principes de l’Organisation, l’Assemblée générale a déclaré en 1970 qu’il était du devoir des États de s’abstenir de toute propagande en faveur des guerres d’agression. Par la suite, le 1er août 1975, les États participant à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (rebaptisée par la suite l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) se sont engagés à « s’abstenir de propagande en faveur des guerres d’agression ou de toute menace ou de tout recours à la force contre un autre État participant ». 

La Journée mondiale de la télévision n’est pas tant une célébration de la technologie que l’engagement à réaliser de nobles idéaux qu’elle s’emploie à promouvoir. Ceux-ci comprennent la paix et les relations amicales entre les nations, un accès plus vaste du public à l’information comme moyen de réaliser les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et le développement d’une société de la connaissance ainsi que des droits de l’homme et de la démocratie. En célébrant cette journée, nous reconnaissons et rappelons l’impact de la télévision dans notre vie avec l’espoir que son potentiel soit exploité dans l’intérêt de la société et pour faire progresser la paix, la sécurité et le développement durable pour tous. 

Note

1Le dernier pays à avoir adhéré à la Convention est le Libéria en 2005.

 

La Chronique de l’ONU ne constitue pas un document officiel. Elle a le privilège d’accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingués ne faisant pas partie du système des Nations Unies dont les points de vue ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Organisation. De même, les frontières et les noms indiqués ainsi que les désignations employées sur les cartes ou dans les articles n’impliquent pas nécessairement la reconnaissance ni l’acceptation officielle de l’Organisation des Nations Unies.