À gauche : Une femme brandit une pancarte où est inscrit le terme « Hibakusha », le nom donné aux personnes affectées par l'exposition aux bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki. Photo ONU/Paulo Filgueiras - À droite : Une montre retrouvée dans les ruines d'Hiroshima, restée figée à 8h15, soit l'heure exacte de l'explosion du 6 août 1945, Photo ONU/Manuel Elias

Contexte

La 10e Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires se tiendra du 24 au 28 janvier 2022. Au paragraphe 3 de l’article VIII du Traité, il est prévu que son fonctionnement soit examiné tous les cinq ans, disposition que les États parties ont réaffirmée à la Conférence de 1995 des Parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires chargée d’examiner le Traité et la question de sa prorogation et à la Conférence d’examen du Traité de 2000.

La 10e Conférence d’examen sera l’occasion pour les États parties d’examiner l’application des dispositions du Traité depuis 2015, sachant que malgré les consultations intensives, la Conférence d’examen de 2015 n’est pas parvenue à un accord sur la partie du Document final consacrée aux questions de fond.

Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires est un traité international historique, dont l’objectif est d’empêcher la propagation des armes nucléaires et de la technologie des armements, de promouvoir la coopération aux fins de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire et de favoriser la réalisation de l’objectif du désarmement nucléaire et du désarmement général et complet. Le Traité est l’expression du seul engagement contraignant pris par les États dotés d’armes nucléaires, dans le cadre d’un traité multilatéral, en faveur du désarmement.

Ouvert à la signature en 1968, il est entré en vigueur en 1970. Depuis lors, il constitue la pierre angulaire du système mondial de non-prolifération nucléaire. Fort de 191 États parties, y compris les cinq États dotés d’armes nucléaires, le Traité est l’instrument multilatéral relatif au désarmement qui compte le plus grand nombre d’adhésions.

Histoire du Traité

Depuis que l’ère nucléaire a débuté et que des armes nucléaires ont été employées pour la première fois contre Hiroshima et Nagasaki en 1945, il est évident que l’acquisition de capacités nucléaires par les États peut leur permettre de détourner des technologies et des matières à des fins d’armement. Par conséquent, la prévention de ces détournements est devenue un enjeu essentiel des débats sur l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. Les premiers efforts déployés, dès 1946, pour créer un système international permettant à tous les États d’avoir accès à la technologie nucléaire sous réserve de garanties appropriées ont pris fin en 1949 sans que cet objectif ait été atteint, en raison de profondes divergences politiques entre les grandes puissances. À cette date, les États-Unis et l’ex-Union soviétique avaient déjà testé leurs armes nucléaires et commençaient à renforcer leur arsenal.

En décembre 1953, à la huitième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, le Président américain Dwight D. Eisenhower proposait, dans son discours intitulé « Des atomes pour la paix », de créer une organisation internationale chargée de diffuser la technologie nucléaire à des fins pacifiques, tout en mettant en garde contre l’accroissement de l’armement dans d’autres pays. Sa proposition a donné naissance, en 1957, à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à laquelle a été confiée la double responsabilité de promouvoir et de contrôler la technologie nucléaire. L’Agence a commencé ses activités d’assistance technique en 1958. Un système provisoire de garanties applicable aux petits réacteurs nucléaires, mis en place en 1961, a été remplacé en 1964 par un système couvrant les installations de plus grande taille, puis élargi, au cours des années suivantes, à d’autres types d’installations nucléaires (INFCIRC/66 et révisions). Conformément aux dispositions du Traité relatives aux garanties (article III, paragraphe 4), un accord de garanties généralisées a été élaboré (INFCIRC/153), qui couvre « toutes les matières brutes et tous les produits fissiles spéciaux dans toutes les activités nucléaires pacifiques exercées sur le territoire de l’État, sous sa juridiction, ou entreprises sous son contrôle en quelque lieu que ce soit, à seule fin de vérifier que ces matières et produits ne sont pas détournés vers des armes nucléaires ou d’autres dispositifs explosifs nucléaires ». Ces dernières années, les efforts déployés pour renforcer et améliorer l’efficacité du système de garanties de l’Agence ont permis l’adoption du Modèle de protocole additionnel (INFCIRC/540) par le Conseil des gouverneurs de l’AIEA, en mai 1997. Aujourd’hui, un protocole additionnel est en vigueur dans 136 États.

Dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies, le principe de la non-prolifération nucléaire, qui a fait son apparition dès 1957 dans les négociations, a pris une réelle importance au début des années 60. Vers le milieu de cette décennie, la structure d’un traité qui érigerait la non-prolifération nucléaire en norme internationale s’est précisée et, en 1968, un accord final a été trouvé sur un traité de nature à empêcher la prolifération des armes nucléaires, à promouvoir la coopération en vue de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire et à faire progresser le désarmement nucléaire. Il y était disposé, à l’article X, qu’une conférence serait convoquée 25 ans après son entrée en vigueur, en vue de décider s’il demeurerait en vigueur pour une durée indéfinie ou serait prorogé pour une ou plusieurs périodes supplémentaires d’une durée déterminée. En conséquence, à la Conférence de mai 1995 chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et la question de sa prorogation, les États parties sont convenus, sans procéder à un vote, de le proroger pour une durée indéfinie et de continuer à tenir des conférences d’examen tous les cinq ans.

Processus d’examen du Traité


Depuis l’entrée en vigueur du Traité en 1970, une conférence s’est tenue tous les cinq ans avec pour objectif l’examen de son fonctionnement. Chaque fois, les participants se sont efforcés de se mettre d’accord sur une déclaration finale relative à l’état de l’application des dispositions du Traité, qui contienne aussi des recommandations sur les mesures à prendre pour le consolider. Les Parties sont parvenues à un consensus sur une déclaration finale aux conférences d’examen de 1975, 1985, 2000 et 2010, mais n’ont pu s’entendre en 1980, 1990, 1995, 2005 et 2015. Les divergences portaient notamment sur la question de savoir si les États dotés d’armes nucléaires avaient correctement satisfait aux engagements énoncés à l’article VI (désarmement nucléaire) et à ceux qu’ils avaient pris à propos des essais nucléaires, du perfectionnement qualitatif des armes nucléaires et des assurances en matière de sécurité qu’ils devaient donner aux autres États ; sur la mise en œuvre de la résolution de 1995 sur la création au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes nucléaires et de toutes autres armes de destruction massive.

La Conférence de 1995 des Parties au Traité avait deux objectifs : examiner le fonctionnement du Traité et prendre une décision concernant sa prorogation. Même s’ils n’ont pu parvenir à un consensus sur l’examen de l’application du Traité, les États parties ont adopté, sans vote, un ensemble de décisions portant sur ce qui suit : a) des éléments permettant de renforcer le processus d’examen du Traité ; b) des principes et objectifs relatifs à la non-prolifération et au désarmement nucléaires ; c) la prorogation du Traité pour une durée indéfinie ; une résolution sur le Moyen-Orient.

La Conférence d’examen de 2000 a montré la solidité du nouveau mécanisme d’examen et la force du concept de transparence sur lequel s’étaient entendus les États parties au moment d’accepter la « permanence du Traité » et de le proroger indéfiniment. Pour la première fois en 15 ans, les États parties sont parvenus, à l’issue des délibérations, à s’accorder sur un document final qui faisait le point sur les résultats déjà obtenus dans le cadre de l’application du Traité et sur un certain nombre de questions essentielles liées à la non-prolifération et au désarmement nucléaires, à la sûreté nucléaire et à l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques.

Le rôle central du Traité dans les efforts déployés continuellement dans le monde pour renforcer la non-prolifération et le désarmement nucléaires était réaffirmé dans le document final, lequel rendait compte également des formulations consensuelles trouvées sur presque tous les grands thèmes abordés par le Traité. Il y était en outre indiqué que les participants à la Conférence déploraient les essais nucléaires effectués par l’Inde et par le Pakistan en 1998, et rappelé que tout nouvel État partie au Traité ne serait accepté qu’en tant qu’État non doté d’armes nucléaires, quelles que soient ses capacités nucléaires.

L’avancée essentielle, mais difficile à obtenir, a été l’incorporation au document final d’un ensemble d’étapes concrètes à franchir dans le cadre des efforts systématiques et progressifs déployés pour appliquer l’article VI du Traité. Étaient définis des critères pour la mesure des progrès qui seraient accomplis ultérieurement par les États parties. L’une des stipulations le plus fréquemment citées est l’engagement inédit et sans équivoque pris par les États dotés d’armes nucléaires d’éliminer complètement leur arsenal nucléaire en vue de parvenir au désarmement dans ce secteur.

Lors de la Conférence d’examen de 2005, les États parties n’ont pu parvenir à un accord de fond, même si des débats constructifs ont été consacrés à un certain nombre d’enjeux. Les divergences qui ont conduit au premier chef à cette issue portaient sur la question de savoir s’il fallait considérer le désarmement ou la non-prolifération comme l’objectif prioritaire et sur l’état d’application des décisions et accords déjà pris, notamment aux Conférences de 1995 et de 2000.

Les participants à la Conférence d’examen de 2010 se sont mis d’accord sur un plan d’action en 64 points couvrant les trois piliers du Traité (désarmement nucléaire, non-prolifération nucléaire et utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques), ainsi que sur le Moyen-Orient.

Les participants à la Conférence d’examen de 2015 n’ont quant à eux pas pu parvenir à un accord sur les questions de fond, en raison de divergences sur les modalités devant permettre l’application de la résolution de 1995 sur le Moyen-Orient. Néanmoins, ils ont débattu des trois piliers du Traité en envisageant l’avenir, notamment les mesures qu’il serait possible de prendre aux fins de la poursuite du désarmement nucléaire.

Vers la 10e Conférence d’examen

Le Comité préparatoire de la 10e Conférence d’examen a tenu trois sessions entre mai 2017 et mai 2019. Comme lors du précédent cycle d’examen, le Comité a consacré la plupart de ses réunions à la préparation technique de la Conférence et s’est penché sur les principes, les objectifs et les procédures propres à promouvoir l’application intégrale du Traité, ainsi que son caractère universel. Dans cet esprit, il a tenu compte de l’issue des précédentes conférences d’examen, des décisions et de la résolution sur le Moyen-Orient adoptées en 1995, ainsi que des faits nouveaux concernant le fonctionnement et l’objectif du Traité, et il a réfléchi à des méthodes et à des mesures propres à accomplir cet objectif, réaffirmant qu’il était nécessaire d’appliquer pleinement les dispositions du Traité.

Le Comité a accepté la quasi-totalité des dispositions prises en matière d’organisation et de procédure pour la 10e Conférence, à commencer par son ordre du jour provisoire. Il s’est également entendu sur le règlement intérieur provisoire, la date et le lieu de la Conférence, son financement, la nomination d’un secrétaire général, les documents d’information et la présidence des trois grandes commissions à constituer dans le cadre de la Conférence. La grande commission I devrait être présidée par un représentant du Groupe des pays non alignés et autres États, en l’occurrence le Président de la troisième session du Comité préparatoire (Malaisie) ; la grande commission II devrait être présidée par un représentant du Groupe des États d’Europe orientale, en l’occurrence le président de la deuxième session du Comité préparatoire (Pologne) ; la grande commission III devrait être présidée par un représentant du Groupe occidental, en l’occurrence le président de la première session du Comité préparatoire (Pays-Bas). Le Comité a décidé de reporter l’examen du document final à la Conférence d’examen.

En vertu de l’accord conclu en 2000, le Comité préparatoire devait s’efforcer d’établir un rapport de consensus formulant des recommandations à l’intention des participants à la Conférence d’examen. Malgré plusieurs réunions convoquées dans cette optique, le Comité n’a pu parvenir, en raison de la persistance de divergences, à un accord sur les questions de fond à l’examen.

La 10e Conférence d’examen devrait porter sur les questions suivantes : l’universalité du Traité ; le désarmement nucléaire, notamment les mesures concrètes à prendre à cet effet ; la non-prolifération nucléaire, y compris la promotion et le renforcement des garanties ; les mesures visant à faire progresser l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, ainsi que la sûreté et la sécurité nucléaires ; le désarmement et la non-prolifération au niveau régional ; la mise en œuvre de la résolution de 1995 sur le Moyen-Orient ; les mesures à prendre face aux retraits du Traité ; les mesures à prendre pour renforcer le processus d’examen ; les modalités les plus à même de faciliter l’association de la société civile au renforcement des dispositions du Traité et à la promotion de l’éducation au désarmement ; la problématique femmes-hommes et la représentation des femmes.