24 juillet 2023

La traite des personnes demeure un problème mondial urgent. Malgré la criminalisation généralisée de cette violation flagrante des droits de l’homme et des décennies d’interventions, la traite des personnes et les formes d’exploitation qui y sont liées, parfois qualifiées d’esclavage moderne, touchent près de 50 millions de personnes chaque jour.

Si toutes les régions du monde sont touchées, certaines tendances régionales peuvent être identifiées. En ce qui concerne le travail forcé, on estime que 27,6 millions de personnes y sont soumises à tout moment. L’Asie et le Pacifique comptent plus de la moitié des cas (15,1 millions), suivis par l’Europe et l’Asie centrale (4,1 millions), l’Afrique (3,8 millions), les Amériques (3,6 millions) et les États arabes (0,9 million). Mais ce classement régional change lorsqu’il est exprimé en pourcentage de la population. Ainsi mesuré, il est le plus important dans les États arabes (5,3 pour mille personnes), suivi par l’Europe et l’Asie centrale (4,4 pour mille), les Amériques, et l’Asie et le Pacifique (3,5 pour mille dans les deux cas) et l’Afrique (2,9 pour mille).

Il est désormais clair que le travail forcé est concentré de manière disproportionnée dans certains secteurs. Cinq secteurs – les services, l’industrie manufacturière, la construction, l’agriculture et le travail domestique – regroupent près de 90 % des adultes victimes du travail forcé. Il est également évident que certaines personnes y sont plus vulnérables que d’autres. Par exemple, la prévalence du travail forcé chez les travailleurs migrants est trois fois supérieure par rapport aux travailleurs adultes non migrants.

La traite des personnes et les formes d’exploitation qui y sont liées sont également liées au genre. Historiquement, les victimes ont été le plus souvent des femmes, mais selon la plate-forme collective de données sur la lutte contre la traite (Counter-Trafficking Data Collaborative), l’identification des victimes masculines de la traite a eu tendance à augmenter ces dernières années. Il existe des différences importantes dans les formes d’exploitation subies par les hommes et les femmes, les femmes étant plus susceptibles que les hommes d’être victimes du travail forcé dans les travaux domestiques, tandis que les hommes sont plus susceptibles d’en être les victimes dans le secteur de la construction. En ce qui concerne l’exploitation sexuelle, la vaste majorité des victimes de la traite sont des femmes et des filles.

De nouveaux problèmes émergents aggravent la vulnérabilité à la traite, facilitent cette forme d’exploitation et compliquent les réponses à apporter. Les guerres et les conflits augmentent la vulnérabilité des personnes à la traite en raison des déplacements, de la détérioration de l’état de droit, de l’impunité, du stress social, des besoins humanitaires ainsi que de la fragmentation sociale et de l’éclatement des familles. Le changement climatique et la dégradation de l’environnement mettent à mal les moyens de subsistance, exacerbent la pauvreté, augmentent les risques de catastrophes naturelles et peuvent être des facteurs de conflit et d’instabilité, autant de facteurs qui peuvent créer des situations de vulnérabilité exploitées par les trafiquants. Le recrutement et l’exploitation en ligne ou facilités par la technologie s’intensifient, remettant en cause les moyens traditionnels d’identification, d’orientation, de protection et d’assistance ainsi que ceux d’enquêtes et de poursuites.

Robeiro, un ex-combattant d’un groupe paramilitaire illégal en Colombie, transporte des piments. Il fait partie des 300 bénéficiaires d’un projet de génération de revenus mis en œuvre par l’OIM en Colombie. OM/Diego Samora

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et la communauté internationale utilisent depuis longtemps l’approche des « 3 P » pour lutter contre la traite : prévention, protection et poursuites. Il s’agit d’éléments de réponse essentiels définis dans le Protocole des Nations Unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, qui complète la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

Les efforts de prévention se concentrent souvent sur l’information du public ainsi que sur la sensibilisation de ce dernier afin qu’il connaisse le phénomène et ses conséquences désastreuses. Cette connaissance peut permettre à des personnes de prendre des mesures pour se protéger et protéger leurs proches des trafiquants, de militer contre la traite dans leur communauté et de faire des choix éthiques dans leurs pratiques en matière de consommation et d’emploi ainsi que dans leurs pratiques commerciales afin d’éviter directement ou indirectement de bénéficier des services de victimes de la traite et de créer une demande dans ce domaine.

Au cours de la dernière décennie, des efforts importants ont été déployés pour mieux comprendre les facteurs qui augmentent la vulnérabilité ou la résilience à la traite afin que les efforts de prévention soient plus efficaces et mieux ciblés. Les données recueillies au cours des années ont montré qu’il existe une série de facteurs qui se recoupent et qui augmentent le risque d’être la cible de trafiquants. Il s’agit notamment de la pauvreté, de la marginalisation, de l’exclusion financière, du statut migratoire illégal, du faible niveau d’éducation, du handicap et d’environnements familiaux dysfonctionnels. Les réponses efficaces à ces risques vont au-delà de la sensibilisation et s’inscrivent dans des programmes de développement et de gouvernance qui créent des sociétés plus justes et plus équitables, ce qui réduit la vulnérabilité générale ainsi que la vulnérabilité à la violence, à l’exploitation et aux abus.

Les efforts de protection consistent à répondre aux besoins et à protéger les droits des victimes de la traite afin de faciliter leur rétablissement et de leur redonner la capacité de survivre et de progresser. Lors des premières phases de la prise en charge, il faut souvent répondre aux besoins fondamentaux et immédiats, comme la sécurité physique et l’accès à un abri, à la nourriture et à des soins médicaux.

Photo offerte par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

Une fois ces besoins essentiels satisfaits, les mesures intermédiaires consistent à les aider à jeter les bases d’un rétablissement réussi et durable en s’attaquant aux facteurs qui contribuent à leur vulnérabilité. Elles comprennent une meilleure connaissance de leurs droits et une meilleure capacité à les revendiquer, l’acquisition de compétences pour assurer des moyens de subsistance durables ainsi que le suivi psychologique, la sensibilisation et d’autres formes d’assistance pour mobiliser les réseaux sociaux et les communautés et les assister dans leur rétablissement et leur réintégration. La protection à long terme vise à aider les victimes à reprendre leur place dans la société et à parvenir à un rétablissement économique, social et psychologique. En ce qui concerne les victimes de la traite internationale, le rétablissement durable consiste souvent à la régularisation de leur statut migratoire, soit par une intégration locale, une migration régulière, soit par le retour et la réintégration.  

Enfin, les efforts concernant les poursuites visent à renforcer la capacité des services de répression à mener des enquêtes et à traduire en justice ceux qui recrutent et exploitent les victimes à des fins lucratives.

Le Groupe interinstitutions de coordination contre la traite des personnes est chargé par l’Assemblée générale des Nations Unies d’améliorer la coordination entre les institutions de l’Organisation et les autres organisations internationales concernées dans leurs efforts visant à faciliter une approche globale de la prévention et de la lutte contre la traite, y compris la protection des personnes exposées au risque de traite et le soutien aux victimes.

Ce Groupe est lui-même coordonné par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime et est actuellement coprésidé par l’OIM et la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les enfants. Les priorités actuelles de cet organe consistent, en autres, à établir des normes de recherche pour renforcer la base de données factuelles, à s’attaquer aux moteurs de la traite, à soutenir l’engagement des survivants et à contribuer à leur autonomisation, à étudier les liens entre les catastrophes soudaines et lentes induites par le changement climatique et la vulnérabilité à la traite et à l’exploitation ainsi qu’à renforcer les approches et la compréhension de ce phénomène dans les contextes de crise.

Dans l’ensemble, la traite des personnes reste un phénomène profondément ancré dans de nombreuses sociétés et continue d’exiger des efforts soutenus pour y remédier. Mais de nombreux progrès ont été réalisés, notamment une meilleure compréhension des facteurs sociaux, culturels, environnementaux et politiques qui la façonnent et la nécessité de laisser prendre aux victimes et aux survivants l’initiative de leur rétablissement et de la lutte contre la traite dans le monde.


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